Quels sont les différents cinémas arabes ?
On considère généralement que le cinéma arabe est né en Égypte. En 1896, soit un an à peine après la première projection publique d’images animées à Lyon, les films des frères Lumière sont déjà projetés au Caire et à Alexandrie ! Mais ce n’est qu’en 1927 qu’y naît le premier long-métrage en langue arabe, Leila, produit par Aziza Amir.
Avec l’arrivée du son et la création des studios Misr en 1935, le cinéma égyptien se développe et se professionnalise. Mélange de références hollywoodiennes et locales, il passionne le public du Proche et du Moyen-Orient et diffuse la culture égyptienne. Ce sont surtout des mélodrames, ou des farces, qui mettent à l’honneur la chanson populaire. Un cinéma plus réaliste, qui explore les problèmes sociétaux, naît dans les années 1940. 20 ans plus tard émerge une génération d’acteurs et de réalisateurs charismatiques tels Omar Sharif et Youssef Chahine : c’est l’âge d’or du cinéma égyptien. À partir de la présidence d’Hosni Moubarak (1981-2011), les subventions baissent, mais la production reste importante : Vols d’été de Yousri Nasrallah (1990), ou Mendiants et orgueilleux d’Asma El-Bakri (1992) sont récompensés dans des festivals internationaux.
Au moment même où le cinéma égyptien connaît sa floraison, d’autres pays arabes, libérés de la colonisation, commencent à développer leur propre industrie cinématographique. On passe alors d’un cinéma arabe, essentiellement égyptien, à des cinémas arabes.
Au Maghreb, l’Algérie développe un art réaliste aux accents nationalistes : Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamida remporte la Palme d’or au Festival de Cannes en 1975. C’est actuellement le seul film d’un pays arabe à avoir obtenu cette récompense. Au Maroc, où les tournages étrangers sont fréquents depuis la naissance du cinéma, l’État a longtemps négligé la production nationale. Il faut attendre 1978 pour qu’un film marocain soit sélectionné au Festival de Cannes. Le début des années 2000 marque un changement : le 7e art est davantage soutenu et progresse, avec la création du Festival international du film de Marrakech. En 2016, Loubna Abidar, actrice marocaine, est nominée au César de la meilleure actrice pour son rôle dans Much Loved de Nabil Ayouch, mais le film, interdit de diffusion au Maroc, crée une violente polémique.
En Tunisie, la production cinématographique est récente et se démarque par sa grande liberté de ton. Le réalisateur Nouri Bouzid aborde des thématiques sensibles : il traite de l’homosexualité masculine (Bezness, 1992), de la place de l’islam dans la société tunisienne (Making of, 2006), ou encore de la condition féminine en Tunisie au moment des Printemps arabes (Millefeuille, 2012). Avec Halfaouine, l’enfant des terrasses (1990), Ferid Boughedir signe un film subtil et plein d’humour, le plus connu de la production cinématographique tunisienne. Une autre réalisatrice, Raja Amiri, se distingue par la subtilité avec laquelle elle aborde la question du désir féminin.
Au Proche-Orient, le conflit israélo-palestinien focalise souvent l’attention des cinéastes. En Syrie, le plus célèbre est Mohammed Malas. Il réalise notamment dans les années 80 le rêve, un film documentaire sur les réfugiés palestiniens au Liban, auxquels il demande de raconter leurs rêves. Ses films subirent un temps la censure et ne sont projetés que depuis la fin des années 1990. À la fin des années 60 se développe aussi un cinéma palestinien d’exil, engagé et documentaire. Aujourd’hui, malgré des conditions de tournage complexes, le 7e art palestinien produit des fictions reconnues comme Chroniques d’une disparition d’Elia Suleiman (1996) ou encore Omar de Hany Abu-Assad (2013).
Beyrouth accueille le premier festival international de cinéma du monde arabe en 1971 ; mais avec la guerre civile (1975-1990), les structures de diffusion et les financements se font rares au Liban. Au sortir du conflit, le cinéma libanais fait un retour sur la scène internationale avec des films comme Hors la vie de Maroun Bagdadi, ou West Beyrouth de Ziad Doueiri. Dans les années 2000, la production libanaise se développe et élargit ses champs d’intérêt. Caramel de Nadine Lakadi raconte la vie quotidienne de cinq femmes autour d’un salon de beauté à Beyrouth. Le film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2007, est le plus grand succès international du cinéma libanais.
Pour conclure ce tour d’horizon des cinémas arabes, notons la sortie récente de deux œuvres étonnantes : Wadjda (2013) d’Haifaa al-Mansour, premier film réalisé en Arabie saoudite, par une femme, dans un pays qui, encore aujourd’hui, interdit les salles de cinéma ; et Theeb (2014), premier long-métrage de la jordanienne Naji Abu Nowar, qui a reçu un grand nombre de récompenses internationales.
Audrey Moutardier
Avec l’arrivée du son et la création des studios Misr en 1935, le cinéma égyptien se développe et se professionnalise. Mélange de références hollywoodiennes et locales, il passionne le public du Proche et du Moyen-Orient et diffuse la culture égyptienne. Ce sont surtout des mélodrames, ou des farces, qui mettent à l’honneur la chanson populaire. Un cinéma plus réaliste, qui explore les problèmes sociétaux, naît dans les années 1940. 20 ans plus tard émerge une génération d’acteurs et de réalisateurs charismatiques tels Omar Sharif et Youssef Chahine : c’est l’âge d’or du cinéma égyptien. À partir de la présidence d’Hosni Moubarak (1981-2011), les subventions baissent, mais la production reste importante : Vols d’été de Yousri Nasrallah (1990), ou Mendiants et orgueilleux d’Asma El-Bakri (1992) sont récompensés dans des festivals internationaux.
Au moment même où le cinéma égyptien connaît sa floraison, d’autres pays arabes, libérés de la colonisation, commencent à développer leur propre industrie cinématographique. On passe alors d’un cinéma arabe, essentiellement égyptien, à des cinémas arabes.
Au Maghreb, l’Algérie développe un art réaliste aux accents nationalistes : Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamida remporte la Palme d’or au Festival de Cannes en 1975. C’est actuellement le seul film d’un pays arabe à avoir obtenu cette récompense. Au Maroc, où les tournages étrangers sont fréquents depuis la naissance du cinéma, l’État a longtemps négligé la production nationale. Il faut attendre 1978 pour qu’un film marocain soit sélectionné au Festival de Cannes. Le début des années 2000 marque un changement : le 7e art est davantage soutenu et progresse, avec la création du Festival international du film de Marrakech. En 2016, Loubna Abidar, actrice marocaine, est nominée au César de la meilleure actrice pour son rôle dans Much Loved de Nabil Ayouch, mais le film, interdit de diffusion au Maroc, crée une violente polémique.
En Tunisie, la production cinématographique est récente et se démarque par sa grande liberté de ton. Le réalisateur Nouri Bouzid aborde des thématiques sensibles : il traite de l’homosexualité masculine (Bezness, 1992), de la place de l’islam dans la société tunisienne (Making of, 2006), ou encore de la condition féminine en Tunisie au moment des Printemps arabes (Millefeuille, 2012). Avec Halfaouine, l’enfant des terrasses (1990), Ferid Boughedir signe un film subtil et plein d’humour, le plus connu de la production cinématographique tunisienne. Une autre réalisatrice, Raja Amiri, se distingue par la subtilité avec laquelle elle aborde la question du désir féminin.
Au Proche-Orient, le conflit israélo-palestinien focalise souvent l’attention des cinéastes. En Syrie, le plus célèbre est Mohammed Malas. Il réalise notamment dans les années 80 le rêve, un film documentaire sur les réfugiés palestiniens au Liban, auxquels il demande de raconter leurs rêves. Ses films subirent un temps la censure et ne sont projetés que depuis la fin des années 1990. À la fin des années 60 se développe aussi un cinéma palestinien d’exil, engagé et documentaire. Aujourd’hui, malgré des conditions de tournage complexes, le 7e art palestinien produit des fictions reconnues comme Chroniques d’une disparition d’Elia Suleiman (1996) ou encore Omar de Hany Abu-Assad (2013).
Beyrouth accueille le premier festival international de cinéma du monde arabe en 1971 ; mais avec la guerre civile (1975-1990), les structures de diffusion et les financements se font rares au Liban. Au sortir du conflit, le cinéma libanais fait un retour sur la scène internationale avec des films comme Hors la vie de Maroun Bagdadi, ou West Beyrouth de Ziad Doueiri. Dans les années 2000, la production libanaise se développe et élargit ses champs d’intérêt. Caramel de Nadine Lakadi raconte la vie quotidienne de cinq femmes autour d’un salon de beauté à Beyrouth. Le film, présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2007, est le plus grand succès international du cinéma libanais.
Pour conclure ce tour d’horizon des cinémas arabes, notons la sortie récente de deux œuvres étonnantes : Wadjda (2013) d’Haifaa al-Mansour, premier film réalisé en Arabie saoudite, par une femme, dans un pays qui, encore aujourd’hui, interdit les salles de cinéma ; et Theeb (2014), premier long-métrage de la jordanienne Naji Abu Nowar, qui a reçu un grand nombre de récompenses internationales.
Audrey Moutardier
Pour aller plus loin :
- Filming the modern Middle East, Politics in the cinemas of Hollywood and the Arab world, Lina H. Khatib, London, New York : I. B. Tauris, 2006
- Arab cinema, history and cultural identity, Viola Shafik, Le Caire, New York : The American University in Cairo press, 2007
- Égypte, 100 ans de cinéma, Magda Wassef (dir.), [cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 1995-1996], Paris : Plume, Institut du monde arabe, 1995
- Portraits de cinéastes par l’Institut du monde arabe , Voir le site
- Cinémas arabes du XXIe siècle, nouveaux territoires, nouveaux enjeux, Agnès Devictor (dir.), Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, décembre 2013, 134 , Voir le site