La diversité architecturale et artistique #article

Comment les artistes arabes ont-ils orné les manuscrits du Coran ?

Frontispice de Coran, Espagne ?, 1304, Bibliothèque nationale de France © BNF
Pour les musulmans, le Coran est le texte de la révélation divine transmise par l’archange Gabriel au prophète Muhammad. Cette révélation, communiquée en arabe, fait de cette langue et de son écriture un outil sacré de l’islam. Le Coran a souvent fait l’objet d’ornementations, dans le but de mettre en valeur la parole divine. Elles peuvent toucher à la fois l’écriture elle-même (calligraphie), les matériaux du livre (papiers colorés, reliures, encres de couleurs ou d’or, etc.) ou encore les décors peints et dorés (enluminure).

L’imprimerie n’ayant été utilisée que très tardivement dans le monde de l’Islam, le travail artistique autour de l’écriture, la calligraphie, constitue depuis les premiers siècles un art à part entière. Elle est le vecteur de la transmission artistique de la langue et prend place à la fois dans les manuscrits, sur les objets d’art ou les architectures, parfois ornés d’extraits du livre saint.

Page de Coran en calligraphie coufique à l’or, Kairouan ?, Xe siècle, Raqqada (Tunisie), musée des arts islamiques © Qantara/DMLG Productions


La codification et la mise par écrit du Coran se développent dès le VIIe siècle sous le calife Othman. Il devient alors le texte le plus copié du monde arabe. Dans un premier temps, les graphies sont anguleuses, ou « coufiques ». Mais à partir du Xe siècle, des graphies « cursives », plus souples et incurvées, se développent pour permettre de copier plus aisément et plus rapidement le Livre. Elles constituent alors le corps du texte, alors que les graphies anguleuses sont limitées aux titres. Les calligraphes inventent et codifient différents styles d’écriture, dont six vont devenir vers le XIIe siècle les standards de la graphie arabe cursive, que tout calligraphe se doit de connaître. Le calligraphe peut aussi orner les parties verticales des lettres, en leur donnant une forme de col de cygne, en les entrelaçant ou en les transformant en motifs végétaux.

Le travail calligraphique peut s’accompagner d’une recherche sur les encres et les papiers. Les encres sont souvent noires ou brunes, mais certains éléments rouges, bleus ou dorés permettent d’ornementer les lettres, de souligner certaines parties du texte, de mettre en valeur les titres des sourates, ou apporter des commentaires au contenu. On connaît même un Coran, dit Coran bleu, entièrement écrit à l’or sur un papier teinté.

En dépit de l’opposition de certains théologiens, décorer le texte sacré devient très tôt une habitude. Selon une tradition, le quatrième calife, Ali, aurait le premier enluminé un Coran. L’enluminure est un décor exécuté à la main que l’on peut intégrer à différents endroits du manuscrit coranique : sur les pages de début et de fin, sur les « pages-tapis » - c’est-à-dire sans texte - séparant les grandes sections du Coran, ainsi que sur les pages calligraphiées, pour constituer un fond sur lequel le texte se détache, ou pour animer ce même texte. Ces décors peuvent en particulier marquer les débuts et fins des sourates ou des versets.

Page de Coran avec le titre d’une sourate enluminé, Égypte, XIVe siècle, Musée de Los Angeles (LACMA) © LACMA (Domaine public)


L’enluminure s’est rapidement développée, à la fois pour guider le fidèle dans sa lecture et sa compréhension du texte sacré, et pour concourir à son élévation spirituelle. Dans les premiers siècles de l’islam, il semble que l’enlumineur et le calligraphe aient souvent été une seule et même personne, mais il existe aussi des enlumineurs professionnels dans les grands ateliers plus tardifs.

Les décors adoptent le plus souvent des formes géométriques, comme des cercles on des étoiles, ou déclinent des thèmes végétaux de palmettes, rosettes, tresses... Ils s’insèrent dans des médaillons ou des cartouches, mais peuvent aussi envahir complètement la feuille pour constituer un décor tapissant qui vient délicatement soutenir le texte. Tracés à l’encre, ils mêlent souvent habilement l’or et les couleurs. Il n’existe par contre aucun Coran illustré de scènes ou de représentations figurées.

En dehors de l’ornement interne du Coran, le Livre peut s’agrémenter d’une précieuse reliure qui le protège mais le met également en valeur. Souvent réalisée en cuir, elle présente des décors estampés ou gaufrés et peut également être en partie dorée.
Dominique Misigaro

Pour aller plus loin :

  • Le livre manuscrit arabe, préludes à une histoire, François Déroche, Paris : Bibliothèque Nationale de France, 2004
  • L’ornement, formes et fonctions dans l’art islamique, Oleg Grabar, Paris : Flammarion, 2013
  • L’art du livre arabe, du manuscrit au livre d’artiste, Marie-Geneviève Guesdon, Annie Vernay-Nouri (dirs.), [cat. exp., Paris, Bibliothèque Nationale de France, 2001-2002], Paris : Bibliothèque Nationale de France, 2001, Voir le site
  • Early Qur’ans (Eighth–Early Thirteenth Centuries) , Maryam Ekhtiar, Juila Cohen, The Met, 2014, Voir le site

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