La diversité architecturale et artistique #article

Pourquoi les tissus et tapis d’Orient sont-ils si célèbres ?

Tapis dans la cour d’une maison traditionnelle, Maroc, région de Ouarzazate © Marocimages/IMA
Bien que l’art du textile islamique soit surtout célèbre pour ses réalisations iraniennes ou ottomanes, de nombreux ateliers situés dans le monde arabe ont produit des œuvres remarquables.

Des foyers de production de tissus étaient déjà actifs dans le monde méditerranéen avant la conquête islamique, notamment en Égypte, où les textiles des chrétiens coptes étaient utilisés comme vêtements ou comme décors. Il s’agissait majoritairement de tapisseries de lin ou de laine, ornées de broderies teintes. Cette technique fut reprise sous les dynasties islamiques implantées en Égypte ultérieurement. Une œuvre conservée à la cathédrale d’Apt, le voile dit de sainte Anne (vers 1096-1097), est ainsi constituée d’une toile ornée d’un médaillon de tapisserie.

Détail du « Voile de sainte Anne », Damiette (Égypte), 1096-97, Trésor de la cathédrale d’Apt © Grand Angle/Philippe Gromelle


À partir du XIe siècle, la péninsule Ibérique est également un centre de production important. Beaucoup de textiles réalisés dans cette région, nommée al-Andalous en arabe, sont toujours conservés dans le nord de l’Espagne, parfois dans des trésors d’église. La majorité de ces œuvres sont en soie, ornée de fils d’or et d’argent. Certaines pièces ont été réutilisées en contexte chrétien en tant que suaires ou ornements funéraires : c’est par exemple le cas des célèbres suaires de saint Sernin ou de San Pedro de Osma (première moitié du XIIe siècle). À Thuir, en Catalogne française, une statue de Vierge noire de l’époque romane était revêtue d’un manteau berbère aux vertus thérapeutiques. Plusieurs de ces œuvres ont pu inspirer des artistes chrétiens, comme le montrent bien plusieurs chapiteaux de la tribune romane du prieuré de Serrabona (XIIe siècle, également dans les Pyrénées-Orientales) qui rappellent certains textiles islamiques aux « étrangleurs de lions ».

Les tapis constituent un groupe différent, aux techniques variées. Généralement, un tapis est constitué d’une « armure » de fils entrecroisés, sur laquelle sont noués des brins de laine rasés. Ces nœuds peuvent être symétriques (appelés « turcs ») ou asymétriques (appelés « persans »). Dans le monde arabe, la production de tapis égyptiens de la fin du XVe siècle (groupe des « tapis mamelouks ») est bien connue. Ces œuvres se distinguent par leur technique, proprement locale, et par leur gamme de couleurs (vert, ocre, bleu et rouge). Quelques-uns se détachent cependant des réalisations courantes, comme un tapis à décor hébraïque fortement inspiré de productions européennes, probablement tissé pour une synagogue italienne.

Tapis de la période mamelouke, Le Caire, XVe siècle, Musée d’art de Philadelphie © Philadelphia Museum of Art, Object Number 1943-40-63, The John D. McIlhenny Collection, 1943 (Domaine public)


Par ailleurs, en raison de la production particulièrement riche de tapis dans l’Empire ottoman à l’époque moderne, beaucoup d’ateliers du monde arabe se sont réapproprié des formules décoratives créées à Constantinople. Ce phénomène est notamment visible dans certaines villes côtières du Maghreb, comme à Alger. Toutefois, certaines zones isolées restent réfractaires à cette dynamique, par exemple dans le sud du Maroc où les tapis noués, utilisés comme matelas, rideaux, décors ou harnachements, continuent à utiliser des formules décoratives géométriques proprement locales. Ces tapis se distinguent par le fait qu’ils n’ont généralement pas de bordure, mais sont constitués d’une succession de bandes ou de motifs. Certains sont particulièrement appréciés pour repousser les mauvais esprits.

Broderie zemmour du Maroc, Rabat, musée des Oudaïas © Marocimages/IMA

Guilhem Dorandeu

Pour aller plus loin :

  • Les routes du tapis, Edith et Jean-Bernard Huyghe, Paris : Gallimard, 2004
  • Le ciel dans un tapis, , [cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 2004-2005], Paris : Institut du monde arabe, 2004
  • Revue Hali , Hali Publications Ltd, © 2017 HALI, Voir le site
  • Jozan Magazine, published by Ivan Soenderholm, © Jozan Magazine 2015, Voir le site

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