La diversité architecturale et artistique #article

Qu’appelle-t-on les « arts du feu » dans le monde de l’Islam ?

Biche en bronze servant de bouche de fontaine, Espagne, palais de Madinat al-Zahra ?, milieu du Xe siècle, Doha, Musée d’art islamique © The Museum of Islamic Art, Doha
Dès les premiers siècles de l’Islam se développe, dans les villes du monde arabe, un riche artisanat. Situé dans la lignée des productions antiques, il est destiné à une nouvelle élite, qui adopte un mode de vie urbain et raffiné. La production de céramique, comme le travail du verre ou du métal, procèdent de la science du feu ; ils nécessitent une maîtrise de la température de cuisson et de l’apport en oxygène dans les fours, qui conditionne la qualité et la pérennité de la pièce produite.

La céramique est l’une des productions les plus répandues dans le monde de l’Islam. Elle se développe dans une multitude de pièces de vaisselle – plats, coupes, bouteilles, jarres, vases… – et de carreaux, qui assemblés, forment des panneaux décoratifs pour orner les monuments. Les productions sont réalisées dans une pâte à base d’argile modelée à la main, montée au tour ou moulée. À partir des XIe-XIIe siècle se développent des pâtes à base de silice, moins faciles à travailler, mais permettant de proposer des pièces de luxe d’une grande finesse.
Dans le cas du verre, la matière première, à base de silice, est chauffée à très haute température avant d’être moulée ou soufflée pour prendre la forme désirée : gobelets, pichets, bouteilles, lampes…


Plat au paon en lustre métallique, Irak, Xe siècle, Musée de Brooklyn © Brooklyn Museum (CC-BY)


Plat en faïence à décor étoilé, Maroc, 1857-58, Fès, Musée du Batha © Marocimages/IMA


Coupe aux planètes et aux musiciens, Syrie ou Égypte, XIVe siècle, Paris, musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

Le travail du métal intervient aussi dans de nombreux objets de la vie quotidienne : bassins, pichets, chandeliers, brûle-parfums, instruments scientifiques… Peu de productions en métaux précieux ont été conservées, mais de très nombreux objets en alliages à base de cuivre, comme le bronze ou le laiton, sont richement incrustés d’or, d’argent ou de cuivre. Les pièces sont obtenues à chaud par moulage ou à froid par martelage.


Coupe Palmer en verre émaillé et doré, Syrie, vers 1200-1250, British Museum © The Trustees of British Museum (CC BY-NC-SA 4.0)

De façon générale, le décor de la majorité des pièces porte sur le travail du relief : elles peuvent être gravées, incisées, estampées, ajourées. Des éléments sont parfois rapportés sur le corps de l’objet, comme des anses, des pieds, des becs… Il arrive même que certains objets prennent la forme d’animaux prestigieux ou symboliques : lions, paons, cerfs, etc.

Mais la recherche d’un résultat plus abouti et plus luxueux passe aussi souvent par l’adjonction supplémentaire d’un décor coloré. Dans le domaine de la céramique, la faïence, innovation apparue au IXe siècle dans l’empire abbasside, est une technique qui permet d’obtenir des pièces à l’aspect très blanc, auxquelles on adjoint un décor bleu, recherché pour concurrencer les importations chinoises, très appréciées de l’élite. Né à la même période, le lustre métallique est une technique d’abord expérimentée sur le verre avant d’être utilisée sur les objets ou les carreaux de revêtement mural en céramique. Il confère aux pièces des reflets métalliques chatoyants.


Vase « Cavour » en verre émaillé et doré, Syrie ou Égypte, XIIIe siècle, Doha, musée d’art islamique © The Museum of Islamic Art, Doha

On peut également noter le développement au XIIIe siècle, dans la zone syro-égyptienne, de la production de verre émaillé et doré. Ce procédé autorise des décors très délicats, comportant de nombreuses variations colorées. Ces trois techniques décoratives, complexes et coûteuses, ont été exportées vers l’Occident, notamment en Italie et en Espagne, où elles ont connu de brillants développements.

À côté des motifs géométriques et végétaux, le décor épigraphique se développe largement. Aux opportunités décoratives qu’offre la calligraphie s’ajoute la possibilité de marquer un objet de l’empreinte de son commanditaire ou d’y faire figurer formules de bénédiction ou références littéraires. À l’exception de la sphère religieuse, le décor animé est également présent sur de nombreuses pièces : animaux et personnages, souvent traités de manière assez stylisée, ont une portée symbolique qui nous échappe souvent. Ils racontent parfois plus simplement les plaisirs princiers que sont la chasse ou les banquets.

Au-delà de leur rôle utilitaire, les productions de céramique, verre et métal atteignent parfois dans le monde de l’islam un tel niveau d’excellence qu’elles deviennent des productions de luxe, provoquant la fierté des artistes qui les signent et des élites qui les utilisent.
Dominique Misigaro

Pour aller plus loin :

  • Metalwork in medieval islamic art, Eva Baer, Albany : State university of New York Press, 1983
  • Glass of the Sultans. Twelve Centuries of Masterworks from the Islamic World, Stefano Carboni, Linda Komaroff, [cat. exp. Corning, Corning Museum of glass; 2001, et al.], New Haven : Yale University Press, 2001
  • Céramiques du monde musulman, Jeanne Mouliérac, Paris : Institut du monde arabe, Gand : Snoeck Ducaju & Zoon, 1999
  • Histoire du verre, les chefs-d’œuvre de l’Islam, Jacqueline du Pasquier, Paris : Massin, 2007
  • La céramique islamique, Jean Soustiel, Fribourg : Office du livre, 1985
  • Islamic metalwork, Rachel Ward, London : British museum press, 1993
  • La céramique, en Islam, Marthe Bernus Taylor, Qantara, 2008, Voir le site
  • Le métal, en Islam, Thérèse Bittar, Qantara, 2008, Voir le site
  • Enameled and Gilded Glass from Islamic Lands, Stefano Carboni, Qamar Adamjee, The Met, 2002 , Voir le site
  • Islamic pottery, a brief history, Marylin Jenkins, The Metropolitan Museum of art Bulletin, printemps 1983, 40, 4, Voir le site
  • Le verre, en Islam , Valérie de Wulff, Qantara, 2008 , Voir le site

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