Quelle est la production littéraire la plus valorisée dans la culture arabe ?
La poésie occupe une place centrale dans le champ littéraire de la culture arabe. Et pour cause ! Elle représente sa première forme de production littéraire attestée.
La poésie arabe émerge au cours de la période préislamique, au VIe siècle de notre ère. Le poète occupe en ces temps-là une place centrale dans la tribu : il en est le porte-parole et en défend l’honneur. En effet, la poésie, qui se déclame et se transmet oralement, a une fonction mémorielle : elle retrace l’histoire de la tribu ou de certains personnages. Elle est aussi guerrière, puisque des joutes intertribales sont organisées, au cours desquelles les poètes s’affrontent, pour la gloire ou le déshonneur de leur tribu. Ainsi, la poésie est un instrument au service du groupe.
La qasida, modèle idéal du poème remontant à la période préislamique, est théorisée dès les VIIIe-IXe siècles. C’est une forme qui comprend au minimum sept vers et est composée de trois parties :
1) le nasib (arrêt du poète sur les ruines du campement de l’aimée et souvenir douloureux de l’amour révolu).
2) le rahil (voyage à travers le désert sur une monture, cheval ou chameau, minutieusement décrite, de même que la faune et la flore environnantes).
3) le gharad (objet qui régit toute la composition : panégyrique du clan ou de la tribu, satire).
Les Moallaqat (littéralement les « Suspendues ») constituent l’ensemble de qasidas le plus célèbre. Elles sont devenues un modèle pour les poètes postérieurs. Leur nombre varie de sept à dix et leur authenticité pose encore question. Selon une théorie, elles auraient été composées à la foire d’Oukaz et les plus belles auraient été suspendues à la Kaaba, ce qui leur aurait valu leur nom. Une autre théorie, prédominante aujourd’hui, estime que ce nom pourrait signifier « attachées les unes aux autres », en une chaîne exemplaire.
Sur le plan formel, le poème arabe, à la différence de la poésie occidentale, n’est pas strophique et n’utilise qu’une seule rime. Le vers arabe (bayt), est composé de deux parties, chacune obéissant à un même mètre (rythme des syllabes courtes et longues). La première classification des seize mètres arabes est attribuée à al-Khalil ibn Ahmad (mort vers 791).
Les genres canoniques de cette poésie exemplaire sont l’éloge (al-madih), la satire (al-hija), le thrène ou élégie funèbre (al-ritha) et la jactance (al-fakhr), éloge de soi et du groupe auquel appartient le poète.
Avec l’avènement de l’islam et des califes « Biens Guidés » (622-661), le système des valeurs sociales change. Certains poètes, comme Hassan ibn Thabit, se rallient à l’islam, mais les genres poétiques restent les mêmes. Sous les Omeyyades de Damas (661-750), période de conquêtes et de consignation de la poésie antéislamique, le poète a encore une activité littéraire indépendante à Damas, en Irak et dans l’ouest de l’Arabie (Hijaz), même si la poésie revêt dorénavant aussi une fonction politico-religieuse notamment par le biais de la satire. Apparaît également la poésie d’amour (al-ghazal) dans le Hijaz. Deux écoles s’opposent alors : l’urbaine avec l’amour licencieux et la bédouine qui défend l’amour chaste.
Les Abbassides accèdent au pouvoir en 750 et fondent Bagdad. La capitale devient un centre culturel incontournable et les poètes bénéficient du mécénat califal et privé. En ville, d’autres genres poétiques se développent tels que la poésie bachique, dont Abu Nouwas est l’un des plus grands représentants, et, dès le IXe siècle, la poésie d’ascèse et la poésie mystique, qui se réapproprient les thèmes amoureux et bachiques. Al-Hallaj est l’un des maîtres en ce domaine. Enfin, il ne faut pas oublier l’Andalousie, où un genre propre voit le jour : le mouwashshah, poème court, composé de strophes, et dont les rimes varient.
Après 1258, la production littéraire ralentit, sans mourir vraiment comme le veulent certains critiques, et ce jusqu’à la Nahda, « Renaissance arabe » du début du XIXe siècle.
Julie Chripko
La poésie arabe émerge au cours de la période préislamique, au VIe siècle de notre ère. Le poète occupe en ces temps-là une place centrale dans la tribu : il en est le porte-parole et en défend l’honneur. En effet, la poésie, qui se déclame et se transmet oralement, a une fonction mémorielle : elle retrace l’histoire de la tribu ou de certains personnages. Elle est aussi guerrière, puisque des joutes intertribales sont organisées, au cours desquelles les poètes s’affrontent, pour la gloire ou le déshonneur de leur tribu. Ainsi, la poésie est un instrument au service du groupe.
La qasida, modèle idéal du poème remontant à la période préislamique, est théorisée dès les VIIIe-IXe siècles. C’est une forme qui comprend au minimum sept vers et est composée de trois parties :
1) le nasib (arrêt du poète sur les ruines du campement de l’aimée et souvenir douloureux de l’amour révolu).
2) le rahil (voyage à travers le désert sur une monture, cheval ou chameau, minutieusement décrite, de même que la faune et la flore environnantes).
3) le gharad (objet qui régit toute la composition : panégyrique du clan ou de la tribu, satire).
Les Moallaqat (littéralement les « Suspendues ») constituent l’ensemble de qasidas le plus célèbre. Elles sont devenues un modèle pour les poètes postérieurs. Leur nombre varie de sept à dix et leur authenticité pose encore question. Selon une théorie, elles auraient été composées à la foire d’Oukaz et les plus belles auraient été suspendues à la Kaaba, ce qui leur aurait valu leur nom. Une autre théorie, prédominante aujourd’hui, estime que ce nom pourrait signifier « attachées les unes aux autres », en une chaîne exemplaire.
Sur le plan formel, le poème arabe, à la différence de la poésie occidentale, n’est pas strophique et n’utilise qu’une seule rime. Le vers arabe (bayt), est composé de deux parties, chacune obéissant à un même mètre (rythme des syllabes courtes et longues). La première classification des seize mètres arabes est attribuée à al-Khalil ibn Ahmad (mort vers 791).
Les genres canoniques de cette poésie exemplaire sont l’éloge (al-madih), la satire (al-hija), le thrène ou élégie funèbre (al-ritha) et la jactance (al-fakhr), éloge de soi et du groupe auquel appartient le poète.
Avec l’avènement de l’islam et des califes « Biens Guidés » (622-661), le système des valeurs sociales change. Certains poètes, comme Hassan ibn Thabit, se rallient à l’islam, mais les genres poétiques restent les mêmes. Sous les Omeyyades de Damas (661-750), période de conquêtes et de consignation de la poésie antéislamique, le poète a encore une activité littéraire indépendante à Damas, en Irak et dans l’ouest de l’Arabie (Hijaz), même si la poésie revêt dorénavant aussi une fonction politico-religieuse notamment par le biais de la satire. Apparaît également la poésie d’amour (al-ghazal) dans le Hijaz. Deux écoles s’opposent alors : l’urbaine avec l’amour licencieux et la bédouine qui défend l’amour chaste.
Les Abbassides accèdent au pouvoir en 750 et fondent Bagdad. La capitale devient un centre culturel incontournable et les poètes bénéficient du mécénat califal et privé. En ville, d’autres genres poétiques se développent tels que la poésie bachique, dont Abu Nouwas est l’un des plus grands représentants, et, dès le IXe siècle, la poésie d’ascèse et la poésie mystique, qui se réapproprient les thèmes amoureux et bachiques. Al-Hallaj est l’un des maîtres en ce domaine. Enfin, il ne faut pas oublier l’Andalousie, où un genre propre voit le jour : le mouwashshah, poème court, composé de strophes, et dont les rimes varient.
Après 1258, la production littéraire ralentit, sans mourir vraiment comme le veulent certains critiques, et ce jusqu’à la Nahda, « Renaissance arabe » du début du XIXe siècle.
Julie Chripko
Pour aller plus loin :
- Du désert d’Arabie aux jardins d'Espagne, chefs-d’œuvre de la poésie arabe classique traduits et commentés, André Miquel, Paris : Sindbad, 1992
- Les Arabes et l'amour, anthologie poétique, André Miquel, Paris, Arles : Actes Sud, Sindbad, 1999
- La poésie arabe des origines à nos jours, René R. Khawam, Paris : Seghers, 1975
- Les dix grandes odes de l’Anté-islam, Jacques Berque, Arles, Paris : Actes Sud, 1995
- Les suspendues (al-Muʿallaqât), Heidi Toelle, Paris : Flammarion, 2009
- Le Dîwân de la poésie arabe classique, Adonis, Houria Abdelouahed, Paris : Gallimard, 2008
- Poétique arabe, Jamal-Eddine Bencheikh, Paris : Gallimard, 1989
- Histoire de la littérature arabe, des origines à la fin du Xe siècle de J.-C., Régis Blachère, 3 volumes (inachevée), Paris : Maisonneuve, 1964-1980
- Cent titres – La poésie arabe, Jean-Charles Depaule (dir.), Marseille : Centre International de poésie (CIP-M), 2001
- La poésie arabe classique, Mathieu Guidère, Paris : Ellipse, 2006
- La littérature arabe médiévale, Andras Hamori, Arles : Actes Sud, Sindbad, 2002
- La littérature arabe, André Miquel, Paris : PUF, 1969
- A la découverte de la littérature arabe, Heidi Toelle, Katia Zakharia, Paris : Flammarion, 2003
- Encyclopédie de la poésie Arabe , Recueil (langue Arabe), site web Arabic Poem, Voir le site
- Encyclopédie international de la poésie arabe, Recueil, Modern Arabic poetry, 19027 verses "bayt" in 451 poems for 46 poets, Voir le site