Dans quelle mesure les sciences arabes ont-elles décliné après le Moyen Âge ?
Les spécialistes situent l’« âge d’or des sciences arabes » entre le VIIIe et le XIIIe siècle, avant que ne s’amorce un déclin. En effet, le dynamisme intellectuel et le développement des savoirs et des techniques qui avaient marqué l’Islam médiéval, deviennent l’apanage de l’Europe à partir de la Renaissance. La civilisation islamique s’étendant sur un territoire immense, ce déclin s’est produit sur le long terme et n’a pas été uniforme. Les facteurs explicatifs sont à la fois géopolitiques, économiques et philosophiques.
À partir du XIe siècle, des divisions politiques et religieuses au sein de l’Empire musulman affaiblissent le pouvoir des califes abbasides. Ces troubles profitent aux Croisés, qui mènent campagne huit fois au Proche-Orient entre 1098 et 1272. Les Normands s’emparent de la Sicile, les souverains d’Aragon se lancent à la reconquête de l’Espagne, les villes portuaires italiennes (Naples, Gênes, Venise…) se développent fortement. Outre la perte de territoires, ces conflits avec la chrétienté entraînent la fin du monopole commercial en Méditerranée, détenu par les marchands orientaux depuis plusieurs siècles. À cela s’ajoutent, à partir de la fin du XVe siècle, les expéditions européennes vers l’Amérique, qui ouvrent de nouvelles routes commerciales et achèvent de déstabiliser l’activité économique de l’empire islamique.
Au XIIIe siècle, les invasions mongoles venues de l’Est ont aussi eu des conséquences désastreuses sur les structures économiques, sociales et culturelles de l’Empire. La capitale, Bagdad, est mise à sac en 1258. Des milliers de manuscrits sont brûlés ou jetés dans le Tigre. Au XIVe siècle, la ville est de nouveau ravagée par Tamerlan, qui massacre la quasi-totalité de ses habitants. L’activité scientifique se poursuit malgré tout, sous le règne de quelques souverains éclairés : dans la Samarcande du prince Oulough Beg (XVe siècle), ou encore au Maghreb et en Égypte aux XIIIe-XIVe siècles, le Caire devenant un foyer essentiel de la culture arabe. Certains des plus grands savants arabes ont vécu après le fameux « âge d’or » de la science arabe, comme al-Kashi (v. 1380-1429), découvreur du fameux théorème qui porte son nom, ou Ibn Khaldoun (1332-1406).
Le facteur le plus important du déclin des sciences dans le monde arabo-musulman est interne à cette civilisation. Jusqu’au XIe siècle environ, les califes ont exercé une sorte de despotisme éclairé, encourageant l’activité intellectuelle et finançant la recherche. Puis, s’appuyant sur des mouvements religieux conservateurs, de nouveaux dirigeants s’opposent progressivement au libre exercice de la pensée et de la curiosité scientifique. En 1019, le calife de Bagdad émet une profession de foi interdisant toute nouvelle interprétation du Coran. C’est ce qu’on appelle la « fermeture de l’ijtihad » (effort de recherche personnel), mettant fin à l’esprit critique et à l’innovation, dans tous les domaines de la pensée. Cette décision eut des répercussions néfastes sur plusieurs siècles. L’Empire ottoman, qui ouvrit une nouvelle ère de stabilité politique, ne relança pas la spéculation scientifique pour autant. Les autorités religieuses musulmanes imposèrent la destruction de l’observatoire de Taqi al-Din à Istanbul trois ans à peine après son édification en 1577. Les sultans rejetèrent également l’imprimerie, privant ainsi leur culture d’un puissant outil de diffusion du savoir. Nombre de réformateurs du monde musulman tentent aujourd’hui de rouvrir la porte de l’ijtihad.
Audrey Moutardier
À partir du XIe siècle, des divisions politiques et religieuses au sein de l’Empire musulman affaiblissent le pouvoir des califes abbasides. Ces troubles profitent aux Croisés, qui mènent campagne huit fois au Proche-Orient entre 1098 et 1272. Les Normands s’emparent de la Sicile, les souverains d’Aragon se lancent à la reconquête de l’Espagne, les villes portuaires italiennes (Naples, Gênes, Venise…) se développent fortement. Outre la perte de territoires, ces conflits avec la chrétienté entraînent la fin du monopole commercial en Méditerranée, détenu par les marchands orientaux depuis plusieurs siècles. À cela s’ajoutent, à partir de la fin du XVe siècle, les expéditions européennes vers l’Amérique, qui ouvrent de nouvelles routes commerciales et achèvent de déstabiliser l’activité économique de l’empire islamique.
Au XIIIe siècle, les invasions mongoles venues de l’Est ont aussi eu des conséquences désastreuses sur les structures économiques, sociales et culturelles de l’Empire. La capitale, Bagdad, est mise à sac en 1258. Des milliers de manuscrits sont brûlés ou jetés dans le Tigre. Au XIVe siècle, la ville est de nouveau ravagée par Tamerlan, qui massacre la quasi-totalité de ses habitants. L’activité scientifique se poursuit malgré tout, sous le règne de quelques souverains éclairés : dans la Samarcande du prince Oulough Beg (XVe siècle), ou encore au Maghreb et en Égypte aux XIIIe-XIVe siècles, le Caire devenant un foyer essentiel de la culture arabe. Certains des plus grands savants arabes ont vécu après le fameux « âge d’or » de la science arabe, comme al-Kashi (v. 1380-1429), découvreur du fameux théorème qui porte son nom, ou Ibn Khaldoun (1332-1406).
Le facteur le plus important du déclin des sciences dans le monde arabo-musulman est interne à cette civilisation. Jusqu’au XIe siècle environ, les califes ont exercé une sorte de despotisme éclairé, encourageant l’activité intellectuelle et finançant la recherche. Puis, s’appuyant sur des mouvements religieux conservateurs, de nouveaux dirigeants s’opposent progressivement au libre exercice de la pensée et de la curiosité scientifique. En 1019, le calife de Bagdad émet une profession de foi interdisant toute nouvelle interprétation du Coran. C’est ce qu’on appelle la « fermeture de l’ijtihad » (effort de recherche personnel), mettant fin à l’esprit critique et à l’innovation, dans tous les domaines de la pensée. Cette décision eut des répercussions néfastes sur plusieurs siècles. L’Empire ottoman, qui ouvrit une nouvelle ère de stabilité politique, ne relança pas la spéculation scientifique pour autant. Les autorités religieuses musulmanes imposèrent la destruction de l’observatoire de Taqi al-Din à Istanbul trois ans à peine après son édification en 1577. Les sultans rejetèrent également l’imprimerie, privant ainsi leur culture d’un puissant outil de diffusion du savoir. Nombre de réformateurs du monde musulman tentent aujourd’hui de rouvrir la porte de l’ijtihad.
Audrey Moutardier
Pour aller plus loin :
- Science among the Ottomans, the cultural creation and exchange of knowledge, Miri Shefer-Mossensohn, Austin : University of Texas Press, 2015
- La politique scientifique dans l'Empire ottoman , Efthymos Nicolaidis, Centre de recherche du château de Versailles, 2011, Voir le site