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Comment la science arabe s’est-elle nourrie de la tradition grecque ?

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Le Moyen Âge dans le monde islamique est une période d’intense activité intellectuelle. Des disciplines comme la philosophie, la médecine et les mathématiques y ont été développées sur la base de traités grecs, persans et hindous. Les savants de langue arabe, originaires de territoires aussi variés que le Proche-Orient, l’Iran, l’Asie Centrale ou l’Espagne, sont de confession musulmane ou chrétienne.

Lors des conquêtes au VIIe siècle, les Arabes rapportent de nombreux ouvrages en grec qui se trouvaient en territoire byzantin, comme à Alexandrie, un haut lieu du savoir durant l’Antiquité. Durant la période abbasside (750-1258), considérée comme l’âge d’or de l’Islam, les califes mènent une importante politique culturelle. Le pouvoir finance des philologues pour traduire des traités du grec vers l’arabe ; ce sont le plus souvent des chrétiens maîtrisant à la fois le grec, le syriaque et l’arabe. Ce mécénat est initié par le calife al-Mansour (754-775) et il est poursuivi par ses successeurs, dont le fameux Haroun al-Rashid (785-809), le calife des Mille et Une Nuits. Sous le règne d’al-Mansour, des ouvrages de médecine et de logique grecs sont traduits en arabe. Mais le calife le plus emblématique de ce modèle de souverain éclairé est al-Mamoun qui règne de 813 à 833. Il ouvre aux savants la bibliothèque de son père Haroun al-Rashid : c’est la première Bayt al-Hikma, la « maison de la sagesse », où des ouvrages scientifiques grecs et persans sont étudiés. L’un des plus célèbres traducteurs issu de cet établissement est le chrétien Hounayn ibn Ishaq (808-873) : il finit même par diriger la maison de la sagesse de Bagdad. D’autres « maisons de la sagesse » ouvrent dans le monde islamique, comme par exemple au Caire ou à Cordoue.

Parmi les ouvrages traduits se trouvent des textes fondateurs de la science grecque : par exemple l’Almageste de Ptolémée, l’une des sommes de mathématiques et d’astronomie les plus importantes de l’Antiquité, les Éléments d’Euclide, un traité de mathématiques et de géométrie, et bien d’autres savants encore, comme le célèbre Archimède. En médecine, le De Materia Medica de Dioscoride ou les traités de Galien font autorité et influencent durablement la pratique de la médecine dans le monde arabe. En philosophie, les ouvrages d’Aristote et de Plotin marquent la pensée arabo-musulmane. Plus généralement, le néoplatonisme, courant philosophique de l’Antiquité tardive issu de la pensée de Platon, inspire les grands penseurs arabes médiévaux.

Vers le milieu du Xe siècle, ce mouvement de traduction prend fin. Cependant, les scientifiques du monde islamique ont déjà développé une science à proprement parler arabe. Ibn Sina, connu sous le nom d’Avicenne, et al-Razi, dit Rhazès, contribuent au progrès de la médecine. En mathématiques, les plus fameux savants sont al-Kindi et al-Khwarizmi. Ce dernier a rédigé, au IXe siècle, le premier traité d’algèbre (en arabe al-jabr), fondant ainsi cette discipline. Ces savants sont également des philosophes qui se sont employés à adapter la conception du monde héritée des Grecs anciens à la doctrine de l’islam, pour faire concorder raison et révélation divine. Au XIIe siècle, le célèbre philosophe Averroès (Ibn Roshd) poursuit ces réflexions.

Les sciences arabes, héritées en partie de l’Antiquité grecque, se sont ensuite développées de façon originale. Leur influence s’exerce au-delà du monde islamique puisque les ouvrages scientifiques en langue arabe sont traduits et diffusés en Europe dès la fin du Xe siècle. Des auteurs comme Avicenne sont des références pour les médecins occidentaux. Il est par la suite enseigné, ainsi que d’autres savants, dans des universités aussi célèbres que Paris ou Montpellier au Moyen Âge.
Sterenn Le Maguer

Pour aller plus loin :

  • L'algèbre arabe. Genèse d'un art , Ahmad Djebbar, Paris : Vuibert, 2005
  • La médecine arabe et l'Occident médiéval, Danielle Jacquart, Françoise Micheau, Paris : Maisonneuve, 1990
  • L’épopée de la science arabe, Danielle Jacquart, Paris : Gallimard, 2005
  • Histoire des sciences arabes, Roshdi Rashed, 3 vols., Paris : Seuil, 1997
  • L'âge d'or des sciences arabes, [cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 2005-2006], Paris : Actes Sud, Institut du monde arabe, 2005
  • La science dans la civilisation arabo-musulmane entre le VIII° et le XV° siècle, Pierre Magnien, cours donné à l’ENS Lyon , Voir le site
  • Les ouvrages scientifiques arabes , Expositions BNF , Voir le site
  • Langue arabe et logique grecque, Canal U, 2009 , Voir le site
  • L’âge d’or des sciences arabes , Qantara, 2008, Voir le site

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