Quels sont les grands médias du monde arabe ?
L’histoire des médias dans le monde arabe est récente. La presse imprimée n’y est apparue qu’au milieu du XIXe siècle. Introduits via le Liban puis l'Égypte, les journaux et les revues savantes ont servi, au cours du XXe siècle, de tremplin majeur au renouveau de l'arabe et à l'essor des idées nationalistes et islamiques.
Sait-on que la presse arabe est aussi présente en Europe ? Elle s’est surtout développée à Paris mais aussi à Londres dans les années 70-80, grâce à des éditeurs et journalistes libanais et palestiniens. Dès la fin des années 80, ces journaux, comme le prestigieux Al-Hayat, furent largement financés par des capitaux saoudiens.
Les médias audiovisuels au sein des différents pays dépendaient jusqu’à récemment, à l’exception notoire du Liban, d’organismes publics et des ministères de l’information. La télévision égyptienne a longtemps marqué les publics : forte d’une histoire cinématographique inégalée dans la région, elle exporte dès les années 70, ses feuilletons (mousalsalat) à l’ensemble des autres pays arabes. Mais elle fut vite concurrencée par la Syrie et, plus récemment… la Turquie ou le Mexique.
Sans surprise, la vague de libéralisation économique, qui gagna les pays arabes vers la fin des années 80, épargna les monopoles d’État sur l’audiovisuel. Mais, au lendemain de la guerre du Golfe et du succès de CNN, se développa un « système satellitaire panarabe ». Des chaînes satellitaires furent lancées et les chaînes hertziennes nationales placées sur les satellites arabes Arabsat et Nilesat. L’usage d’une langue commune a favorisé cette formidable multiplication de chaînes transfrontières accessibles à tout public arabophone. Le succès des productions égyptiennes a vite été dépassé par les bouquets de chaînes généralistes et thématiques saoudiens ou libanais.
En 1996, la première chaîne d’information panarabe est lancée : c’est Al Jazeera, financée par le Qatar. Sa liberté de ton exceptionnelle tranche avec les autres médias panarabes. Certains la comparent à feu la radio nassérienne « La voix des Arabes » (Sawt al-Arab) qui eut dans les années 1950-60 un succès sans pareil dans l’histoire des radios internationales. Pour contrer Al Jazeera, d’autres chaînes d’informations arabophones sont lancées par des acteurs arabes (la saoudienne al-Arabiya) ou non arabes (al-Hurra, Russya al-Yom, France 24, etc.). Lors des « révolutions arabes » de 2011, le crédit de la chaîne, jugée biaisée, s’effrite.
Aujourd’hui des centaines de chaînes généralistes et thématiques (sportives, religieuses, de finance, de cinéma, etc.) existent dans un espace médiatique saturé. La variété des programmes télévisés oblige les organismes audiovisuels nationaux à ouvrir aux investissements privés ce secteur d’activité de plus en plus coûteux.
On a aussi assisté, après les « révolutions arabes », à la multiplication foisonnante de journaux en ligne, plus ou moins professionnels. Beaucoup ont disparu, mais certains se sont imposés et servent de caisse de résonance aux vifs débats qui traversent les sociétés arabes. Ainsi, depuis plus de dix ans, des médias privés (presse écrite et chaînes de télévisions) se sont développés, faisant espérer pluralisme et indépendance. Mais beaucoup sont détenus par des hommes d’affaires, parfois proches des régimes politiques, tandis que d’autres peinent à trouver un équilibre budgétaire alors que la publicité baisse et tend à migrer sur Internet.
Car c’est bien l’usage d’Internet qui a transformé la relation aux médias, dans le monde arabe comme ailleurs. Réservé dans les années 90 à une jeune élite urbaine, à haut niveau d’éducation et férue d’informatique, le web se démocratise rapidement. Au milieu des années 2000, des sites et des blogs d’information alternatifs se développent, y compris en Tunisie où la censure pesait lourdement sur tout média avant la chute du régime.
L’accès à Internet, et aux réseaux sociaux, continue à se généraliser même si des écarts subsistent entre les pays du Golfe, qui ont des taux d’équipement équivalents aux pays riches, et les pays les plus pauvres (Yémen) ou en proie à des crises majeures (Irak, Syrie). L’usage des smartphones est largement répandu. Cet équipement dans des sociétés jeunes et aux taux d’éducation de plus en plus élevés a facilité les soulèvements qualifiés – hâtivement – de « révolutions Facebook ».
Les politiques publiques varient d’un pays à l’autre. Cependant, des États arabes, en mettant en place des réformes de l’audiovisuel et des politiques qui favorisent l’accès aux technologies de l’information aux ménages, écoles et universités, ont été les maîtres d’œuvre de cette ouverture ; même si, certes, leur contrôle étroit sur les médias n’a pas encore disparu.
Tourya Guaaybess
Sait-on que la presse arabe est aussi présente en Europe ? Elle s’est surtout développée à Paris mais aussi à Londres dans les années 70-80, grâce à des éditeurs et journalistes libanais et palestiniens. Dès la fin des années 80, ces journaux, comme le prestigieux Al-Hayat, furent largement financés par des capitaux saoudiens.
Les médias audiovisuels au sein des différents pays dépendaient jusqu’à récemment, à l’exception notoire du Liban, d’organismes publics et des ministères de l’information. La télévision égyptienne a longtemps marqué les publics : forte d’une histoire cinématographique inégalée dans la région, elle exporte dès les années 70, ses feuilletons (mousalsalat) à l’ensemble des autres pays arabes. Mais elle fut vite concurrencée par la Syrie et, plus récemment… la Turquie ou le Mexique.
Sans surprise, la vague de libéralisation économique, qui gagna les pays arabes vers la fin des années 80, épargna les monopoles d’État sur l’audiovisuel. Mais, au lendemain de la guerre du Golfe et du succès de CNN, se développa un « système satellitaire panarabe ». Des chaînes satellitaires furent lancées et les chaînes hertziennes nationales placées sur les satellites arabes Arabsat et Nilesat. L’usage d’une langue commune a favorisé cette formidable multiplication de chaînes transfrontières accessibles à tout public arabophone. Le succès des productions égyptiennes a vite été dépassé par les bouquets de chaînes généralistes et thématiques saoudiens ou libanais.
En 1996, la première chaîne d’information panarabe est lancée : c’est Al Jazeera, financée par le Qatar. Sa liberté de ton exceptionnelle tranche avec les autres médias panarabes. Certains la comparent à feu la radio nassérienne « La voix des Arabes » (Sawt al-Arab) qui eut dans les années 1950-60 un succès sans pareil dans l’histoire des radios internationales. Pour contrer Al Jazeera, d’autres chaînes d’informations arabophones sont lancées par des acteurs arabes (la saoudienne al-Arabiya) ou non arabes (al-Hurra, Russya al-Yom, France 24, etc.). Lors des « révolutions arabes » de 2011, le crédit de la chaîne, jugée biaisée, s’effrite.
Aujourd’hui des centaines de chaînes généralistes et thématiques (sportives, religieuses, de finance, de cinéma, etc.) existent dans un espace médiatique saturé. La variété des programmes télévisés oblige les organismes audiovisuels nationaux à ouvrir aux investissements privés ce secteur d’activité de plus en plus coûteux.
On a aussi assisté, après les « révolutions arabes », à la multiplication foisonnante de journaux en ligne, plus ou moins professionnels. Beaucoup ont disparu, mais certains se sont imposés et servent de caisse de résonance aux vifs débats qui traversent les sociétés arabes. Ainsi, depuis plus de dix ans, des médias privés (presse écrite et chaînes de télévisions) se sont développés, faisant espérer pluralisme et indépendance. Mais beaucoup sont détenus par des hommes d’affaires, parfois proches des régimes politiques, tandis que d’autres peinent à trouver un équilibre budgétaire alors que la publicité baisse et tend à migrer sur Internet.
Car c’est bien l’usage d’Internet qui a transformé la relation aux médias, dans le monde arabe comme ailleurs. Réservé dans les années 90 à une jeune élite urbaine, à haut niveau d’éducation et férue d’informatique, le web se démocratise rapidement. Au milieu des années 2000, des sites et des blogs d’information alternatifs se développent, y compris en Tunisie où la censure pesait lourdement sur tout média avant la chute du régime.
L’accès à Internet, et aux réseaux sociaux, continue à se généraliser même si des écarts subsistent entre les pays du Golfe, qui ont des taux d’équipement équivalents aux pays riches, et les pays les plus pauvres (Yémen) ou en proie à des crises majeures (Irak, Syrie). L’usage des smartphones est largement répandu. Cet équipement dans des sociétés jeunes et aux taux d’éducation de plus en plus élevés a facilité les soulèvements qualifiés – hâtivement – de « révolutions Facebook ».
Les politiques publiques varient d’un pays à l’autre. Cependant, des États arabes, en mettant en place des réformes de l’audiovisuel et des politiques qui favorisent l’accès aux technologies de l’information aux ménages, écoles et universités, ont été les maîtres d’œuvre de cette ouverture ; même si, certes, leur contrôle étroit sur les médias n’a pas encore disparu.
Tourya Guaaybess
Pour aller plus loin :
- Les Arabes parlent aux Arabes, la révolution de l'information dans le monde arabe, Yves Gonzales-Quijano, Tourya Guaaybess, Arles : Sindbad, 2009
- The Middle East in the media, conflicts, censorship and public opinion, Arnim Heinemann, Olfa Lamloum, Anne Françoise Weber (dir.), London, Saint Paul : Saqi, 2009
- Online Arab spring, social media and fundamental change, Reza Jamali, Waltham. : Chandos publishing, 2015
- Les médias en Méditerranée, nouveaux médias, monde arabe et relations internationales, Khadija Mohsen-Finan, Arles : Actes Sud, Aix-en-Provence : MMSH , Alger : Barzakh, 2009
- Les médias arabes, confluences médiatiques et dynamique sociale, Tourya Guaaybess, Paris : CNRS éditions, 2011
- Les nouveaux médias dans le monde arabe : entre guerre et paix , Pamela Chrabieh Badine, INA numérique, 2011, Voir le site
- Chaîne Al-Jazeera , Voir le site
- Chaîne al-Arabiya, Voir le site