Une révolution féminine est-elle en marche dans le monde arabe ?
Une situation paradoxale, entre amélioration et discriminations
Au cours du vingtième siècle, la majorité des femmes dans les pays arabes a bénéficié d’un développement relatif en ce qui concerne la santé et l’éducation : baisse de la mortalité maternelle, hausse de l’âge au mariage, surtout au Maghreb, accès facilité à la scolarisation et à l’enseignement supérieur.
Néanmoins, bien que les conditions de vie des femmes se soient améliorées dans une certaine mesure, les discriminations et les violences entre les sexes persistent dans l’espace privé et public, même si elles sont dénoncées fortement pas les associations féministes. Comme ailleurs dans le monde, elles représentent le résultat des rapports inégalitaires entre les sexes. Tandis que dans les pays occidentaux de nos jours, elles se manifestent plutôt sous forme de violences conjugales, dans les pays arabes, elles se cumulent avec les violences familiales liées à « l’honneur » de la famille, les mariages forcés et précoces, voire l’excision dans le cas de l’Égypte.
Ces violences sociales, familiales ou conjugales, sont aggravées par les troubles politiques et les guerres, comme en Syrie, en Libye, au Yémen ou dans les Territoires palestiniens.
Une faible représentation des femmes dans le champ politique
Historiquement, les femmes du monde arabe ont été actives sur le plan social et politique. Depuis la fin du XIXe et le début du XXe siècle, les mouvements féminins en Égypte et en Palestine ont revendiqué une libération nationale et une libération des femmes (tahrir al-mar’aa). Cet engagement reste toujours d’actualité : les femmes ont joué un rôle important dans les révolutions survenues en 2011, que ce soit en Tunisie, en Égypte, en Libye ou au Yémen. Dans ce dernier pays, la militante Tawakul Karman a même reçu le prix Nobel de la paix.
Néanmoins, dans le domaine politique, les femmes ont été marginalisées après les révolutions. Face à un risque de régression de leurs libertés, elles se sont mobilisées, surtout en Tunisie et en Égypte, pour une transition démocratique et pour s’assurer que leurs droits soient reconnus dans les nouvelles constitutions. Elles ont dû fait face, entre autres, à des arguments qui reposent sur l’importance des valeurs familiales dans les pays arabes, selon lesquels elles doivent se dédier à leur famille avant tout engagement politique ou même professionnel. Ainsi dissuadées d’accéder à la vie politique, les femmes s’engagent dans des causes civiques et des associations, mais sont peu présentes dans les assemblées représentatives .
Un accès difficile au marché de l’emploi
Dans la majorité des pays arabes, les femmes sont actuellement plus nombreuses que les hommes à poursuivre des études supérieures. Cependant, leur participation au marché de l’emploi reste très faible à l’exception des pays du Golfe. Selon un rapport de la Banque mondiale (2013), seules 25% des femmes du monde arabe travaillent, contre 50% dans le monde.
Comment expliquer ce paradoxe ? Influencées par les normes sociales considérant que le travail est secondaire par rapport à leur rôle d’épouse et de mère, des nombreuses femmes s’orientent vers des secteurs considérés comme compatible avec leurs fonctions « domestiques » : l’enseignement et le secteur public, qui offrent des conditions de travail plutôt souples. De plus, la crise de l’économie mondiale n’a pas favorisé le travail féminin, alors que les taux de chômage sont très élevés dans la région. Le travail des femmes reste particulièrement difficile dans les zones en conflit et en guerre, comme le Yémen, l’Irak, la Palestine et la Syrie.
La situation des femmes dans la majorité des pays arabes est donc faite de paradoxes et de contradictions, d’avancées et de régressions. Leur plus grand défi reste les guerres, qui génèrent des violences, des déplacements forcés des populations et qui fragilisent davantage les femmes et enfants. La solution évidente, même si elle parait utopique dans les circonstances actuelles, est d’encourager les femmes à investir la sphère politique. Elles pourraient alors contribuer à une égalité effective avec les hommes par le développement de leurs sociétés et par la promotion des politiques non violentes. Mais, pour ce faire, un changement du regard des femmes sur elles-mêmes est nécessaire, par la socialisation et l’éducation des filles et des garçons aux principes d’égalité, à l’autonomie et à la non-violence.
Nisrin Abu Amara
Au cours du vingtième siècle, la majorité des femmes dans les pays arabes a bénéficié d’un développement relatif en ce qui concerne la santé et l’éducation : baisse de la mortalité maternelle, hausse de l’âge au mariage, surtout au Maghreb, accès facilité à la scolarisation et à l’enseignement supérieur.
Néanmoins, bien que les conditions de vie des femmes se soient améliorées dans une certaine mesure, les discriminations et les violences entre les sexes persistent dans l’espace privé et public, même si elles sont dénoncées fortement pas les associations féministes. Comme ailleurs dans le monde, elles représentent le résultat des rapports inégalitaires entre les sexes. Tandis que dans les pays occidentaux de nos jours, elles se manifestent plutôt sous forme de violences conjugales, dans les pays arabes, elles se cumulent avec les violences familiales liées à « l’honneur » de la famille, les mariages forcés et précoces, voire l’excision dans le cas de l’Égypte.
Ces violences sociales, familiales ou conjugales, sont aggravées par les troubles politiques et les guerres, comme en Syrie, en Libye, au Yémen ou dans les Territoires palestiniens.
Une faible représentation des femmes dans le champ politique
Historiquement, les femmes du monde arabe ont été actives sur le plan social et politique. Depuis la fin du XIXe et le début du XXe siècle, les mouvements féminins en Égypte et en Palestine ont revendiqué une libération nationale et une libération des femmes (tahrir al-mar’aa). Cet engagement reste toujours d’actualité : les femmes ont joué un rôle important dans les révolutions survenues en 2011, que ce soit en Tunisie, en Égypte, en Libye ou au Yémen. Dans ce dernier pays, la militante Tawakul Karman a même reçu le prix Nobel de la paix.
Néanmoins, dans le domaine politique, les femmes ont été marginalisées après les révolutions. Face à un risque de régression de leurs libertés, elles se sont mobilisées, surtout en Tunisie et en Égypte, pour une transition démocratique et pour s’assurer que leurs droits soient reconnus dans les nouvelles constitutions. Elles ont dû fait face, entre autres, à des arguments qui reposent sur l’importance des valeurs familiales dans les pays arabes, selon lesquels elles doivent se dédier à leur famille avant tout engagement politique ou même professionnel. Ainsi dissuadées d’accéder à la vie politique, les femmes s’engagent dans des causes civiques et des associations, mais sont peu présentes dans les assemblées représentatives .
Un accès difficile au marché de l’emploi
Dans la majorité des pays arabes, les femmes sont actuellement plus nombreuses que les hommes à poursuivre des études supérieures. Cependant, leur participation au marché de l’emploi reste très faible à l’exception des pays du Golfe. Selon un rapport de la Banque mondiale (2013), seules 25% des femmes du monde arabe travaillent, contre 50% dans le monde.
Comment expliquer ce paradoxe ? Influencées par les normes sociales considérant que le travail est secondaire par rapport à leur rôle d’épouse et de mère, des nombreuses femmes s’orientent vers des secteurs considérés comme compatible avec leurs fonctions « domestiques » : l’enseignement et le secteur public, qui offrent des conditions de travail plutôt souples. De plus, la crise de l’économie mondiale n’a pas favorisé le travail féminin, alors que les taux de chômage sont très élevés dans la région. Le travail des femmes reste particulièrement difficile dans les zones en conflit et en guerre, comme le Yémen, l’Irak, la Palestine et la Syrie.
La situation des femmes dans la majorité des pays arabes est donc faite de paradoxes et de contradictions, d’avancées et de régressions. Leur plus grand défi reste les guerres, qui génèrent des violences, des déplacements forcés des populations et qui fragilisent davantage les femmes et enfants. La solution évidente, même si elle parait utopique dans les circonstances actuelles, est d’encourager les femmes à investir la sphère politique. Elles pourraient alors contribuer à une égalité effective avec les hommes par le développement de leurs sociétés et par la promotion des politiques non violentes. Mais, pour ce faire, un changement du regard des femmes sur elles-mêmes est nécessaire, par la socialisation et l’éducation des filles et des garçons aux principes d’égalité, à l’autonomie et à la non-violence.
Nisrin Abu Amara
Pour aller plus loin :
- Féministes du monde arabe, enquête sur une génération qui change le monde, Charlotte Bienaimé, Paris : les Arènes, 2016
- Women in the Middle East, past and present, Nikki R. Keddie, Princeton : Princeton University Press, 2007
- L'émergence des femmes au Maghreb, une révolution inachevée, Jean-Yves Moisseron, Kamel Kateb, Alger : APIC éditions, 2015
- Femmes dans le monde arabe : des progrès, mais... , Laure Callioce, interview de Corinne Fortier, CNRS le Journal, 2014 , Voir le site
- Opening doors : gender equality and development in the Middle East and North Africa : Main report, Banque mondiale, 2013 , Voir le site
- Les droits des femmes dans le monde arabe : où en sommes-nous ? , Banque mondiale, 7 mars 2016, Voir le site
- La lutte pour les droits des femmes dans les sociétés musulmanes , Institut du monde arabe, 2016, Voir le site
- Les femmes dans l’islam : permanences et mutation, Rendez-vous de l’histoire du monde arabe, 2016, Voir le site