Assistons-nous à un « choc des civilisations » ?
L’expression « choc des civilisations » est née en 1993 dans un livre de l’Américain Samuel Huntington, analysant la scène internationale post-guerre froide. Contre l’optimisme de certains penseurs convaincus de la victoire du modèle démocratique libéral après la chute de l’URSS, il explique que les oppositions persisteront : elles ne seront plus idéologiques ou économiques, mais culturelles. Ainsi, les conflits n’auront plus lieu entre États mais entre civilisations. Plus précisément, le XXIe siècle opposera « l'Occident » au « monde arabo-musulman ».
Ce modèle apparaît comme une prophétie auto-réalisatrice avec les attentats du 11 septembre 2001, « preuves » de l’existence d’un choc des civilisations. George W. Bush articule alors sa politique autour de la lutte contre l'« Axe du Mal ». Le monde arabo-musulman, dans son ensemble, est défini par une hostilité supposée au monde occidental.
Mais ce modèle est en fait loin d’expliquer la situation géopolitique actuelle. Parler de choc des civilisations, c’est envisager des civilisations immobiles, autonomes, distinctes, là où, sur le temps long, l’Europe et le monde arabe par exemple peuvent être vus comme les deux branches d’une même civilisation, méditerranéenne. Par ailleurs, Huntington propose une vision dans laquelle l’appartenance culturelle (y compris religieuse) définirait les choix politiques, plus que l’intérêt national défini par les dirigeants, qu’il soit politique ou économique. La focale est ainsi mise sur la conflictualité, supposée inévitable et insoluble, de la scène internationale.
À l’heure où les tensions peuvent rendre ce modèle tentant car semblant donner accès à la compréhension des conflits, cette nécessaire distanciation doit être rappelée.
Manon-Nour Tannous
Ce modèle apparaît comme une prophétie auto-réalisatrice avec les attentats du 11 septembre 2001, « preuves » de l’existence d’un choc des civilisations. George W. Bush articule alors sa politique autour de la lutte contre l'« Axe du Mal ». Le monde arabo-musulman, dans son ensemble, est défini par une hostilité supposée au monde occidental.
Mais ce modèle est en fait loin d’expliquer la situation géopolitique actuelle. Parler de choc des civilisations, c’est envisager des civilisations immobiles, autonomes, distinctes, là où, sur le temps long, l’Europe et le monde arabe par exemple peuvent être vus comme les deux branches d’une même civilisation, méditerranéenne. Par ailleurs, Huntington propose une vision dans laquelle l’appartenance culturelle (y compris religieuse) définirait les choix politiques, plus que l’intérêt national défini par les dirigeants, qu’il soit politique ou économique. La focale est ainsi mise sur la conflictualité, supposée inévitable et insoluble, de la scène internationale.
À l’heure où les tensions peuvent rendre ce modèle tentant car semblant donner accès à la compréhension des conflits, cette nécessaire distanciation doit être rappelée.
Manon-Nour Tannous
Pour aller plus loin :
- Recherche ennemi désespérément , Dario Battistella, Confluences Méditerranée, 2002, 1, 40
- Le rendez-vous des civilisations, Youssef Courbage, Emmanuel Todd, Paris : Seuil, 2007
- Le choc des civilisations, Samuel Huntington, Paris : Odile Jacob, 1997
- L’Europe et l’Islam, quinze siècles d’histoire, Henry Laurens, John Tolan, Gilles Veinstein, Paris : Odile Jacob, 2009
- Civilisations : du choc à l’alliance ? , Le dessous des cartes, Arte, 2002, Voir le site