Comment se sont développés les pays arabes du Golfe ?
Le roi Ibn Saoud, fondateur du royaume d’Arabie Saoudite, aurait préféré que les Occidentaux y cherchassent de l’eau plutôt que du pétrole. Pourtant les importantes découvertes de pétrole dans le Golfe dans les années 1930 changèrent non seulement le destin de la région, mais également la face du monde.
Auparavant, la situation économique des pays arabes du Golfe n’était guère enviable. L’Arabie Saoudite avait des problèmes de trésorerie : sa principale source de revenus, le pèlerinage à La Mecque, s’était tarie avec la crise économique des années 1930. Un chameau, disait-on, suffisait à transporter le budget national du royaume. Les émirats parsemant la côte (Abou Dhabi, Bahreïn, Dubaï, Koweït, Qatar, etc.) étaient encore des protectorats britanniques. Leur principale source de revenus était la pêche à la perle, mais ce secteur avait vu ses ventes reculer avec le développement par les Japonais des perles d’élevage. Leurs autres secteurs d’activités – l’élevage de dromadaires et la culture de dattes – n’offraient pas de perspectives intéressantes.
L’exploitation des hydrocarbures assura rapidement aux pays du Golfe des revenus confortables. Ceux-ci se décuplèrent dans les années 1970, avec la nationalisation des industries pétrolières et la hausse des prix. Dès lors, les pays du Golfe jouirent d’une formidable prospérité. Or ces États étaient jeunes : l’Arabie Saoudite et l’Irak étaient devenus indépendants en 1932, le Koweït en 1961, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar en 1971. Tout était à construire. Les dirigeants formèrent de grands desseins visant à convertir leur prospérité en développement économique, voire en puissance politique.
Tous n’eurent pas une bonne fortune. L’Irak de Saddam Hussein connut d’abord un développement économique et social rapide et prometteur. Mais poussé par ses ambitions démesurées, l’influent vice-président s’empara des pleins pouvoirs en 1979 et entraîna son pays dans la spirale de la guerre : guerre Iran-Irak (1980-88), guerre du Golfe (1990-91), guerre d’Irak (2003-2011). L’intervention américaine en 2003 entraîna la chute du dictateur, mais ne parvint pas à stabiliser le pays en proie à de graves tensions confessionnelles et ethniques. Alors que l’Irak doit restaurer son unité et se reconstruire, son développement économique apparaît aujourd’hui comme un horizon lointain.
Les autres pays arabes du Golfe ont mieux su mettre à profit la grande prospérité apportée par le pétrole : ils ont développé leurs infrastructures et services publics, mené d’ambitieux plans de développement économique et industriel, mis en place de généreuses aides sociales pour leurs populations, réalisé d’importants investissements à l’étranger, faisant d’eux des partenaires privilégiés des pays industrialisés. En quelques décennies sont ainsi apparues, en bordure du désert d’Arabie, des villes modernes comparables aux grandes villes nord-américaines et est-asiatiques, avec des gratte-ciels plus hauts les uns que les autres. La contribution du pétrole à la destinée de ces pays est si importante qu’ils sont souvent qualifiés de « pétromonarchies ».
Il existe cependant des différences entre ces pétromonarchies. Puissance régionale de premier plan, l’Arabie Saoudite est celle qui bénéficie des revenus pétroliers les plus importants, mais c’est aussi la plus peuplée. Elle a donc des besoins financiers conséquents. Sa situation économique est radieuse quand les prix du pétrole sont élevés, mais elle devient fragile quand les prix sont bas. Le Bahreïn est la plus petite des pétromonarchies. L’épuisement de ses réserves pétrolières – en raison d’un domaine d’exploitation restreint – représente un défi majeur pour le pays, qui doit de plus en plus s’appuyer sur le soutien des Saoudiens.
Avec des revenus élevés et des populations réduites, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar peuvent se permettre d’afficher leur opulence. Même s’ils demeurent dépendants de leurs revenus pétro-gaziers, ils ont su développer un modèle économique pertinent – mêlant une énergie peu onéreuse, des moyens financiers décuplés grâce à l’endettement et le recours à une importante main d’œuvre immigrée – afin de développer des secteurs économiques tels que le tourisme, la finance, la construction et le transport aérien. Le flamboyant émirat de Dubaï, aux Émirats arabes unis, symbolise cette réussite avec ses constructions pharaoniques (plus haute tour du monde, îles artificielles, pistes de ski dans le désert, etc.), mais il révèle aussi ses limites (endettement élevé, faible niveau de vie des travailleurs étrangers, croissance énergivore, etc.).
Keyvan Piram
Auparavant, la situation économique des pays arabes du Golfe n’était guère enviable. L’Arabie Saoudite avait des problèmes de trésorerie : sa principale source de revenus, le pèlerinage à La Mecque, s’était tarie avec la crise économique des années 1930. Un chameau, disait-on, suffisait à transporter le budget national du royaume. Les émirats parsemant la côte (Abou Dhabi, Bahreïn, Dubaï, Koweït, Qatar, etc.) étaient encore des protectorats britanniques. Leur principale source de revenus était la pêche à la perle, mais ce secteur avait vu ses ventes reculer avec le développement par les Japonais des perles d’élevage. Leurs autres secteurs d’activités – l’élevage de dromadaires et la culture de dattes – n’offraient pas de perspectives intéressantes.
L’exploitation des hydrocarbures assura rapidement aux pays du Golfe des revenus confortables. Ceux-ci se décuplèrent dans les années 1970, avec la nationalisation des industries pétrolières et la hausse des prix. Dès lors, les pays du Golfe jouirent d’une formidable prospérité. Or ces États étaient jeunes : l’Arabie Saoudite et l’Irak étaient devenus indépendants en 1932, le Koweït en 1961, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar en 1971. Tout était à construire. Les dirigeants formèrent de grands desseins visant à convertir leur prospérité en développement économique, voire en puissance politique.
Tous n’eurent pas une bonne fortune. L’Irak de Saddam Hussein connut d’abord un développement économique et social rapide et prometteur. Mais poussé par ses ambitions démesurées, l’influent vice-président s’empara des pleins pouvoirs en 1979 et entraîna son pays dans la spirale de la guerre : guerre Iran-Irak (1980-88), guerre du Golfe (1990-91), guerre d’Irak (2003-2011). L’intervention américaine en 2003 entraîna la chute du dictateur, mais ne parvint pas à stabiliser le pays en proie à de graves tensions confessionnelles et ethniques. Alors que l’Irak doit restaurer son unité et se reconstruire, son développement économique apparaît aujourd’hui comme un horizon lointain.
Les autres pays arabes du Golfe ont mieux su mettre à profit la grande prospérité apportée par le pétrole : ils ont développé leurs infrastructures et services publics, mené d’ambitieux plans de développement économique et industriel, mis en place de généreuses aides sociales pour leurs populations, réalisé d’importants investissements à l’étranger, faisant d’eux des partenaires privilégiés des pays industrialisés. En quelques décennies sont ainsi apparues, en bordure du désert d’Arabie, des villes modernes comparables aux grandes villes nord-américaines et est-asiatiques, avec des gratte-ciels plus hauts les uns que les autres. La contribution du pétrole à la destinée de ces pays est si importante qu’ils sont souvent qualifiés de « pétromonarchies ».
Il existe cependant des différences entre ces pétromonarchies. Puissance régionale de premier plan, l’Arabie Saoudite est celle qui bénéficie des revenus pétroliers les plus importants, mais c’est aussi la plus peuplée. Elle a donc des besoins financiers conséquents. Sa situation économique est radieuse quand les prix du pétrole sont élevés, mais elle devient fragile quand les prix sont bas. Le Bahreïn est la plus petite des pétromonarchies. L’épuisement de ses réserves pétrolières – en raison d’un domaine d’exploitation restreint – représente un défi majeur pour le pays, qui doit de plus en plus s’appuyer sur le soutien des Saoudiens.
Avec des revenus élevés et des populations réduites, les Émirats arabes unis, le Koweït et le Qatar peuvent se permettre d’afficher leur opulence. Même s’ils demeurent dépendants de leurs revenus pétro-gaziers, ils ont su développer un modèle économique pertinent – mêlant une énergie peu onéreuse, des moyens financiers décuplés grâce à l’endettement et le recours à une importante main d’œuvre immigrée – afin de développer des secteurs économiques tels que le tourisme, la finance, la construction et le transport aérien. Le flamboyant émirat de Dubaï, aux Émirats arabes unis, symbolise cette réussite avec ses constructions pharaoniques (plus haute tour du monde, îles artificielles, pistes de ski dans le désert, etc.), mais il révèle aussi ses limites (endettement élevé, faible niveau de vie des travailleurs étrangers, croissance énergivore, etc.).
Keyvan Piram
Pour aller plus loin :
- Atlas des pays du Golfe, Philippe Cadène, Brigitte Dumortier, Paris : PUPS, 2011
- The transformation of the Gulf, politics, economics, and the global order, David Held, Christian Ulrichsen, London, New York : Routledge, 2012
- Les Émirats du Golfe, au défi de l'ouverture, le Koweit, le Bahreïn, le Qatar et les Émirats Arabes Unis, Alexis Normand, Paris : L’Harmattan, 2011
- Les pays du Golfe, de la perle à l'économie de la connaissance, les nouvelles terres du libéralisme, Caroline Piquet, Paris : Armand Colin, 2013
- The Gulf Region : economic development and diversification, 4 vols., Berlin : Gerlach Press, 2012
- Demain, les États du Golfe, Institut du monde arabe, 2014 , Voir le site