Quel avenir se dessine pour la jeunesse arabe ?
Une majorité ignorée
Sur les 385 millions d’habitants qui composent la population des pays arabes, plus de 45 % sont âgés de 15 à 34 ans. Malgré une grande diversité de situations, leur présent se caractérise souvent par des difficultés à tous points de vue – chômage, accès tardif à l’autonomie, manque de liberté – et leur avenir paraît plus que jamais incertain.
Vis-à-vis de l’emploi comme dans d’autres domaines, cette jeunesse est loin de constituer un ensemble homogène. Elle peut se subdiviser en trois catégories. En premier lieu, les jeunes hors système : ils sont 20 millions à se trouver en dehors de tout système éducatif et en dehors du marché du travail. Les trois-quarts de cette catégorie sont des femmes. Plus touchées que les hommes par l’absence de formation professionnelle ou universitaire ce sont elles qui, le plus souvent, connaissent précarité et dépendance. En second lieu, les jeunes à la recherche d’un emploi : plus 5 millions sont au chômage, en grande majorité des jeunes diplômés à la recherche de leur premier emploi. Enfin, les travailleurs, soit environ 45 millions de personnes. Un tiers ont un emploi plus ou moins stable, les deux autres tiers sont des travailleurs précaires qui subsistent grâce à des emplois informels (marchands ambulants, chauffeur de taxi, etc.) ; souvent vu comme la seule perspective d’emploi, ce secteur cumule cependant les désavantages : salaires très bas, conditions de travail aléatoires, absence de protection sociale, etc. Leurs gains mensuels sont estimés à environ 100 euros en Égypte et 256 euros au Liban !
La Banque africaine de développement a révélé dernièrement que le Maghreb est la région du monde où le taux de chômage est le plus élevé (12%) et ce, depuis une vingtaine d’années. Le taux de chômage des jeunes âgés entre 15 et 29 ans est quant à lui multiplié par deux dans certains pays : 21,5% pour l’Algérie, environ 26% pour l’Égypte et 30% pour le Maroc. Les raisons en sont multiples : inadéquation des formations avec le marché du travail, surplus de jeunes diplômés chaque année sur le marché, difficultés à trouver des emplois « décents » qui correspondent au niveau universitaire de chacun…
À ces problèmes s’ajoutent d’autres difficultés, comme l’accès à la représentation politique, ou à une certaine reconnaissance sociale. De mieux en mieux connectés au reste du monde, notamment grâce au développement d’Internet, les jeunes des pays arabes sont aussi les prescripteurs de nouvelles pratiques culturelles et d’un renouvellement du rapport aux valeurs traditionnelles et religieuses. Résoudre les problèmes de l’insertion sociale des jeunes, notamment par l’emploi constitue donc un enjeu considérable, qui pèse sur l’avenir des États arabes et sur leur relation avec l’Europe, du fait de la pression migratoire.
L’exil, solution supposée à tous les problèmes
En effet, bien que considérée comme un choix plutôt positif pour la plupart des jeunes du monde arabe, la solution de l’émigration s’impose faute de mieux dans le pays d’origine. Bien évidemment il ne viendrait pas à l’esprit de ces jeunes de quitter famille, amis et terre natale si les conditions économiques, sociales et parfois politiques ne les y forçaient pas. Leur espoir d’un Eldorado européen est pourtant souvent contrarié par la dure réalité du Nord, confronté à une crise économique sans précédent depuis les années 1930.
On comptait en 2006 plus de 3 millions d’immigrés issus des pays arabes méditerranéens en Europe. Ce chiffre a été multiplié par deux ces cinq dernières années, après les « printemps arabes », parfois déclencheurs de conflits (en Syrie, au Yémen et en Libye notamment). Alors que ces immigrés se dirigent traditionnellement vers les pays d’Europe du Sud tel que l’Italie, l’Espagne ou la France, certains d’entre eux, certes encore peu nombreux, n’hésitent pas à se rendre dans les pays d’Europe centrale et orientale comme la Hongrie, la République tchèque ou encore la Lituanie. Encore très limitée, cette émigration concerne essentiellement des demandeurs d’asile en transit vers d’autres pays de l’Union Européenne. Mais ces chemins alambiqués pour rejoindre l’Europe tout comme les dangereuses traversées des nombreux jeunes clandestins maghrébins désireux d’atteindre les rives européennes – Gibraltar, îles Canaries, Lampedusa – au risque d’y laisser leur vie, montrent le désespoir des jeunes du monde arabe et leur manque de confiance dans les gouvernements des pays d’origine. Les jeunes du sud de la Méditerranée préfèrent souvent endurer les difficultés financières et la discrimination au nord plutôt que de subir l’injustice sociale et politique imposée dans leurs propres pays.
Khadidja Guebache
Sur les 385 millions d’habitants qui composent la population des pays arabes, plus de 45 % sont âgés de 15 à 34 ans. Malgré une grande diversité de situations, leur présent se caractérise souvent par des difficultés à tous points de vue – chômage, accès tardif à l’autonomie, manque de liberté – et leur avenir paraît plus que jamais incertain.
Vis-à-vis de l’emploi comme dans d’autres domaines, cette jeunesse est loin de constituer un ensemble homogène. Elle peut se subdiviser en trois catégories. En premier lieu, les jeunes hors système : ils sont 20 millions à se trouver en dehors de tout système éducatif et en dehors du marché du travail. Les trois-quarts de cette catégorie sont des femmes. Plus touchées que les hommes par l’absence de formation professionnelle ou universitaire ce sont elles qui, le plus souvent, connaissent précarité et dépendance. En second lieu, les jeunes à la recherche d’un emploi : plus 5 millions sont au chômage, en grande majorité des jeunes diplômés à la recherche de leur premier emploi. Enfin, les travailleurs, soit environ 45 millions de personnes. Un tiers ont un emploi plus ou moins stable, les deux autres tiers sont des travailleurs précaires qui subsistent grâce à des emplois informels (marchands ambulants, chauffeur de taxi, etc.) ; souvent vu comme la seule perspective d’emploi, ce secteur cumule cependant les désavantages : salaires très bas, conditions de travail aléatoires, absence de protection sociale, etc. Leurs gains mensuels sont estimés à environ 100 euros en Égypte et 256 euros au Liban !
La Banque africaine de développement a révélé dernièrement que le Maghreb est la région du monde où le taux de chômage est le plus élevé (12%) et ce, depuis une vingtaine d’années. Le taux de chômage des jeunes âgés entre 15 et 29 ans est quant à lui multiplié par deux dans certains pays : 21,5% pour l’Algérie, environ 26% pour l’Égypte et 30% pour le Maroc. Les raisons en sont multiples : inadéquation des formations avec le marché du travail, surplus de jeunes diplômés chaque année sur le marché, difficultés à trouver des emplois « décents » qui correspondent au niveau universitaire de chacun…
À ces problèmes s’ajoutent d’autres difficultés, comme l’accès à la représentation politique, ou à une certaine reconnaissance sociale. De mieux en mieux connectés au reste du monde, notamment grâce au développement d’Internet, les jeunes des pays arabes sont aussi les prescripteurs de nouvelles pratiques culturelles et d’un renouvellement du rapport aux valeurs traditionnelles et religieuses. Résoudre les problèmes de l’insertion sociale des jeunes, notamment par l’emploi constitue donc un enjeu considérable, qui pèse sur l’avenir des États arabes et sur leur relation avec l’Europe, du fait de la pression migratoire.
L’exil, solution supposée à tous les problèmes
En effet, bien que considérée comme un choix plutôt positif pour la plupart des jeunes du monde arabe, la solution de l’émigration s’impose faute de mieux dans le pays d’origine. Bien évidemment il ne viendrait pas à l’esprit de ces jeunes de quitter famille, amis et terre natale si les conditions économiques, sociales et parfois politiques ne les y forçaient pas. Leur espoir d’un Eldorado européen est pourtant souvent contrarié par la dure réalité du Nord, confronté à une crise économique sans précédent depuis les années 1930.
On comptait en 2006 plus de 3 millions d’immigrés issus des pays arabes méditerranéens en Europe. Ce chiffre a été multiplié par deux ces cinq dernières années, après les « printemps arabes », parfois déclencheurs de conflits (en Syrie, au Yémen et en Libye notamment). Alors que ces immigrés se dirigent traditionnellement vers les pays d’Europe du Sud tel que l’Italie, l’Espagne ou la France, certains d’entre eux, certes encore peu nombreux, n’hésitent pas à se rendre dans les pays d’Europe centrale et orientale comme la Hongrie, la République tchèque ou encore la Lituanie. Encore très limitée, cette émigration concerne essentiellement des demandeurs d’asile en transit vers d’autres pays de l’Union Européenne. Mais ces chemins alambiqués pour rejoindre l’Europe tout comme les dangereuses traversées des nombreux jeunes clandestins maghrébins désireux d’atteindre les rives européennes – Gibraltar, îles Canaries, Lampedusa – au risque d’y laisser leur vie, montrent le désespoir des jeunes du monde arabe et leur manque de confiance dans les gouvernements des pays d’origine. Les jeunes du sud de la Méditerranée préfèrent souvent endurer les difficultés financières et la discrimination au nord plutôt que de subir l’injustice sociale et politique imposée dans leurs propres pays.
Khadidja Guebache
Pour aller plus loin :
- Jeunesses des sociétés arabes, par-delà les promesses et les menaces, Mounia Bennani-Chraïbi, Iman Farag, Montreuil : Aux lieux d'être, Le Caire : CEDEJ, 2007
- Jeunesses arabes, du Maroc au Yémen : loisirs, cultures et politiques, Laurent Bonnefoy et Myriam Catusse, Paris : La Découverte, 2013
- Le rendez-vous des civilisations, Youssef Courbage, Emmanuel Todd, Paris : Seuil, 2007
- Arab youth : social mobilization in times of risk, Samir Khalaf and Roseanne Saad Khalaf (éds.), London : Saqi Books, 2011
- Les identités et les valeurs de la jeunesse arabe : l’impact du printemps arabe, Charles Harb, Annuaire IEMed de la Méditerranée, 2014, Voir le site