Comment s'est déroulée la présence islamique en Espagne ?
Le terme arabe al-Andalous désigne les territoires actuellement situés en France, en Espagne et au Portugal, qui faisaient partie du monde islamique entre les VIIIe et XVe siècles. L’origine du mot, très discutée, pourrait venir du nom donné à la région par les Wisigoths, qui occupaient la péninsule Ibérique avant l’arrivée des armées califales.
Dès 711, l’intérêt des souverains Omeyyades pour les territoires wisigoths se matérialise par le débarquement d’une armée de conquête, essentiellement constituée de berbères. Elle est commandée par Tariq ibn Ziyad, le principal lieutenant du gouverneur d’Afrique du Nord, personnage qui donna ultérieurement son nom au rocher de Gibraltar (jabal al-tariq, « la montagne de Tariq »). La conquête de la péninsule s’opère rapidement et les Pyrénées sont franchies en 719. Cependant, des poches de résistance chrétiennes subsistent dans le nord, notamment autour de Covadonga (Asturies) après la victoire du comte Pélage sur les troupes islamiques en 722.
En 756, après une courte période d’instabilité, al-Andalous devient le siège de l’émirat de Cordoue, fondé par Abd al-Rahman Ier. Ce personnage est l’un des derniers membres de l’ancienne famille califale Omeyyade, qui régnait en Syrie jusqu’à ce qu’elle soit déchue par la famille rivale des Abbassides, en 750. En 929, cet émirat devient un califat, opposé, tant dans sa politique que dans certaines de ses conceptions religieuses, aux dynasties rivales des Fatimides (en Égypte) et des Abbassides (en Irak).
À cette époque, al-Andalous connaît une floraison artistique et architecturale. L’édification de la grande mosquée de Cordoue, dès la fin du VIIIe siècle, se poursuit pendant près de deux cents ans ; la cité palatiale de Madinat al-Zahra, construite au Xe siècle, conserve d’exceptionnels décors sculptés. De riches œuvres d’art mobilier sont également produites, en soie, en métal, en ivoire. L’un des objets conservés les plus célèbres est la pyxide d’al-Mughira, datée de 968 et destinée à l’un des derniers princes de la dynastie des Omeyyades d’Espagne.
Ceux-ci s’éteignent au cours du premier tiers du XIe siècle et laissent place à une Espagne morcelée en petites cités-états indépendantes : les taifas. Ces royaumes se battent souvent les uns contre les autres, faisant appel à des mercenaires venus du nord des Pyrénées. La situation politique turbulente profite aux rois et seigneurs chrétiens, qui commencent à s’inscrire dans une dynamique de guerre menée pour la religion : c’est le début de la Reconquista.
Les terres islamiques d’Espagne et du Portugal sont cependant réunifiées à partir des années 1090, sous la gouvernance de deux dynasties berbères : les Almoravides puis les Almohades (1133-1269). Toutes deux sont mues par une grande ferveur religieuse, tendant parfois vers le rigorisme. C’est à cette époque que vivent les fameux Averroès et Maïmonide, s’inscrivant pleinement dans l’essor contemporain des sciences et des arts. Les Almoravides puis les Almohades ne parviennent cependant pas à contenir l’avancée des troupes chrétiennes. La dernière dynastie musulmane d’Espagne, celle des Nasrides (1232-1492), ne règne plus que sur un très petit territoire autour de Grenade, célèbre pour son immense palais, l’Alhambra (de l’arabe al-hamra, « la rouge »).
Les historiens d’al-Andalous ont souvent décrit la période islamique comme une ère de cohabitation harmonieuse entre communautés et religions différentes au sein des mêmes espaces (la Convivencia). Mais cette affirmation doit être nuancée. Certaines communautés étaient clairement différenciées, comme les Mozarabes (chrétiens vivant en terre musulmane) et les Mudéjars (musulmans soumis aux chrétiens). Les juifs, protégés par le statut de dhimmi, purent vivre en al-Andalous jusqu’à la chute de Grenade, malgré des périodes de fortes tensions. Après la chute de la ville, ils furent contraints de s’exiler ou de se cacher, en raison des mesures prises par les souverains catholiques.
Du point de vue culturel, les conflits internes à la péninsule ou contre les chrétiens n’entraînèrent pas une fermeture hermétique des frontières : les formules artistiques, les denrées commerciales et les courants intellectuels circulèrent sans rupture notable tout au long de l’occupation islamique. Guilhem Dorandeu
Dès 711, l’intérêt des souverains Omeyyades pour les territoires wisigoths se matérialise par le débarquement d’une armée de conquête, essentiellement constituée de berbères. Elle est commandée par Tariq ibn Ziyad, le principal lieutenant du gouverneur d’Afrique du Nord, personnage qui donna ultérieurement son nom au rocher de Gibraltar (jabal al-tariq, « la montagne de Tariq »). La conquête de la péninsule s’opère rapidement et les Pyrénées sont franchies en 719. Cependant, des poches de résistance chrétiennes subsistent dans le nord, notamment autour de Covadonga (Asturies) après la victoire du comte Pélage sur les troupes islamiques en 722.
En 756, après une courte période d’instabilité, al-Andalous devient le siège de l’émirat de Cordoue, fondé par Abd al-Rahman Ier. Ce personnage est l’un des derniers membres de l’ancienne famille califale Omeyyade, qui régnait en Syrie jusqu’à ce qu’elle soit déchue par la famille rivale des Abbassides, en 750. En 929, cet émirat devient un califat, opposé, tant dans sa politique que dans certaines de ses conceptions religieuses, aux dynasties rivales des Fatimides (en Égypte) et des Abbassides (en Irak).
À cette époque, al-Andalous connaît une floraison artistique et architecturale. L’édification de la grande mosquée de Cordoue, dès la fin du VIIIe siècle, se poursuit pendant près de deux cents ans ; la cité palatiale de Madinat al-Zahra, construite au Xe siècle, conserve d’exceptionnels décors sculptés. De riches œuvres d’art mobilier sont également produites, en soie, en métal, en ivoire. L’un des objets conservés les plus célèbres est la pyxide d’al-Mughira, datée de 968 et destinée à l’un des derniers princes de la dynastie des Omeyyades d’Espagne.
Ceux-ci s’éteignent au cours du premier tiers du XIe siècle et laissent place à une Espagne morcelée en petites cités-états indépendantes : les taifas. Ces royaumes se battent souvent les uns contre les autres, faisant appel à des mercenaires venus du nord des Pyrénées. La situation politique turbulente profite aux rois et seigneurs chrétiens, qui commencent à s’inscrire dans une dynamique de guerre menée pour la religion : c’est le début de la Reconquista.
Les terres islamiques d’Espagne et du Portugal sont cependant réunifiées à partir des années 1090, sous la gouvernance de deux dynasties berbères : les Almoravides puis les Almohades (1133-1269). Toutes deux sont mues par une grande ferveur religieuse, tendant parfois vers le rigorisme. C’est à cette époque que vivent les fameux Averroès et Maïmonide, s’inscrivant pleinement dans l’essor contemporain des sciences et des arts. Les Almoravides puis les Almohades ne parviennent cependant pas à contenir l’avancée des troupes chrétiennes. La dernière dynastie musulmane d’Espagne, celle des Nasrides (1232-1492), ne règne plus que sur un très petit territoire autour de Grenade, célèbre pour son immense palais, l’Alhambra (de l’arabe al-hamra, « la rouge »).
Les historiens d’al-Andalous ont souvent décrit la période islamique comme une ère de cohabitation harmonieuse entre communautés et religions différentes au sein des mêmes espaces (la Convivencia). Mais cette affirmation doit être nuancée. Certaines communautés étaient clairement différenciées, comme les Mozarabes (chrétiens vivant en terre musulmane) et les Mudéjars (musulmans soumis aux chrétiens). Les juifs, protégés par le statut de dhimmi, purent vivre en al-Andalous jusqu’à la chute de Grenade, malgré des périodes de fortes tensions. Après la chute de la ville, ils furent contraints de s’exiler ou de se cacher, en raison des mesures prises par les souverains catholiques.
Du point de vue culturel, les conflits internes à la péninsule ou contre les chrétiens n’entraînèrent pas une fermeture hermétique des frontières : les formules artistiques, les denrées commerciales et les courants intellectuels circulèrent sans rupture notable tout au long de l’occupation islamique. Guilhem Dorandeu
Pour aller plus loin :
- Al-Andalus. Anthologie, Brigitte Foulon, Emanuelle Tixier du Mesnil, Paris : GF Flammarion, 2009
- Al-Andalus, Pierre Guichard, 711-1492, Paris : Hachette Littérature, 2000
- L’Andalousie arabe, Sophie Makariou, Hazan, Institut du monde arabe, 2000
- Les Andalousies, de Damas à Cordoue, [cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 2000-2001], Paris, Hazan, IMA, 2000
- Al-Andalus - الأندلس , le passé arabo-berbère de l'Europe, une culture originale dans l'Occident musulman (711-1492) , Baechelen.Collections Bpi, Balises, BPI , Voir le site
- Jews, Muslims and the Myth of the Interfaith Utopia, Mark R. Cohen, Qantara.de, 2003, Voir le site