Damas et Bagdad supplantent Médine #article

Pourquoi existe-t-il des vestiges arabes en Sicile ?

Les coupoles et le clocher carré de l’église San Giovanni degli Eremiti, à Palerme rappellent certains éléments de l’architecture arabe. © akg-images / Mondadori Portfolio / Vincenzo Brai
La Sicile a connu de nombreuses occupations de peuples différents au cours de l’Antiquité : s’y sont établies des colonies grecques, puis phéniciennes et carthaginoises, avant que Rome ne s’empare de l’île. Désignée comme le « grenier à blé du peuple romain » par de grands hommes politiques comme Caton l’Ancien et Cicéron, ou encore par le géographe grec Strabon, la Sicile subit au Ve siècle des incursions des Vandales, un peuple de l’est de la Germanie, avant d’être annexée par Byzance au cours des années 530.

Ce sont les souverains Aghlabides, dirigeants arabes de la Tunisie au IXe siècle, qui débutent la conquête de la Sicile byzantine en 827, après plusieurs razzias et incursions. L’île est alors affaiblie par de nombreux troubles intérieurs, ce qui facilite l’avancée des armées arabes et berbères conduites par Asad Ibn al-Fourat, personnage qui réunit une fonction de théologien et de dirigeant militaire. Les avancées sont toutefois lentes, en raison de la résistance de l’Empire byzantin et de dissensions internes aux armées musulmanes. Qui plus est, dans leur domaine tunisien, les Aghlabides sont défaits par la nouvelle dynastie des Fatimides au début du Xe siècle. La conquête trouve finalement son aboutissement en 965, après la prise de Rometta et la concession de l’île à des souverains originaires du Yémen, qui jurent fidélité aux Fatimides.

La Sicile est alors remodelée par ses conquérants. Un nouveau système de répartition des domaines fonciers est mis en place : l’iqta. Des centres urbains sont édifiés et les modèles architecturaux sont profondément renouvelés. Plusieurs témoignages monumentaux de l’époque arabe restent encore visibles de nos jours, notamment à Palerme, comme le montrent les vestiges de mosquée présents dans le complexe de San Giovanni degli Eremiti.

Au cours de la première moitié du XIe siècle, le pouvoir en place est extrêmement contesté par un émirat rival, composé de berbères originaires d’Afrique du Nord. Ces deux dynasties doivent de plus faire face à des tentatives de reconquête de la part des Byzantins, et à l’irruption des Normands à partir de 1061. Ces derniers, qui finissent par conquérir l’île, héritent de modèles artistiques et iconographiques islamiques, réappropriés et réutilisés au sein d’œuvres syncrétiques, comme c’est par exemple le cas pour le plafond de la chapelle palatine de Palerme.

Les coupoles et le clicher carré de l’église San Giovanni degli Eremiti, à Palerme rappellent certains éléments de l’architecture arabe. © akg-images / Mondadori Portfolio / Vincenzo Brai


Guilhem Dorandeu

Pour aller plus loin :

  • La Sicile islamique, Aziz Ahmad, Paris : Publisud, 1975
  • Conquérir et gouverner la Sicile islamique aux XIe et XIIe siècles, Anneliese Nef, Rome : École Française de Rome, 2011
  • La Sicile à l'époque islamique, questions de méthodes et renouvellement récent des problématiques, Annliese Nef, Alessandra Molinari, Rome : École Française de Rome, 2004., Voir le site
  • La Sicile, islamique et normande, Qantara: magazine des cultures arabe et méditerranéennes, juillet 2009, 72
  • La Sicile musulmane, Henri Bresc, Clio, 2002, Voir le site

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