Damas et Bagdad supplantent Médine #article

Qui sont les Fatimides, concurrents des califes de Bagdad ?

Mosquée al-Hakim, Le Caire, 990-991, 1002-1013 © Khoury/IMA
Les Fatimides tirent leur nom de Fatima, fille du prophète Muhammad et épouse de Ali. Ils appartiennent à une branche minoritaire du chiisme, les ismaéliens. Contrairement aux chiites duodécimains, ceux-ci reconnaissent une lignée de sept imams successeurs de Muhammad, le dernier s’appelant Ismaïl.

La dynastie fatimide prend son essor en Tunisie lorsqu’un certain Oubayd Allah, se réclamant de la lignée de Ali et Fatima, arrive de Syrie. Le terrain avait déjà été préparé par des missionnaires propagandistes ismaéliens. Oubayd Allah se rend maître de la capitale, Raqqada, en 909, et s’autoproclame calife et commandeur des croyants. Il s’oppose ainsi frontalement au calife abbasside de Bagdad, sunnite, qui règne sur la majeure partie du monde islamique. Quelques années plus tard, en 929, un troisième calife apparaît à Cordoue ; le monde islamique connaît alors, pendant une centaine d’années, trois califats concurrents.

Les quatre premiers califes fatimides résident en Afrique du nord, dont ils arrivent à obtenir l’allégeance grâce une puissante armée. Ils fondent une nouvelle capitale : Mahdiyya. Cependant, dès le début, ce territoire n’est considéré que comme une base de départ pour supplanter le pouvoir central des Abbassides de Bagdad.

Après plusieurs tentatives infructueuses, l’un de leurs généraux, Jawhar, entre à Foustat, capitale de l’Égypte. La région est alors désorganisée et en proie à la famine, ce qui favorise la pénétration des armées fatimides. Les conquérants entreprennent d’édifier au nord de Foustat une nouvelle capitale, al-Qahira, « La Victorieuse », devenue Le Caire.

L’implantation des Fatimides en Égypte leur permet d’étendre leur territoire vers la Syrie et la Palestine et de s’emparer du contrôle des lieux saints de la péninsule Arabique, La Mecque et Médine. Mais les missionnaires ismaéliens mènent leur action jusqu’aux confins de l’Inde et au Yémen. À la fin du Xe siècle, la souveraineté fatimide s’étend de l’Atlantique à la Mésopotamie. Ils arrivent même à faire reconnaître leur souveraineté à Bagdad en 1059, mais ils sont bien vite repoussés sur leurs terres. Le XIe siècle marque à la fois l’apogée et le début du déclin de leur règne.

Les Fatimides participent à la première croisade en 1099 avec peu de succès. Ils ne peuvent empêcher la chute de plusieurs villes du littoral, qui tombent entre les mains des chrétiens. L’intervention de Saladin, neveu d’un gouverneur syrien passé au service d’un seigneur de Damas, en 1169, permet de chasser les Croisés d’Égypte, mais sonne le glas du califat fatimide dont le dernier représentant meurt en 1171. Saladin lui succède et crée alors la dynastie des Ayyoubides.

Le califat fatimide est une période où, malgré la lutte contre le sunnisme, auquel une majorité de la population reste néanmoins fidèle, la tolérance religieuse est généralement de mise, notamment envers les chrétiens et les juifs. La destruction du Saint-Sépulcre par le calife al-Hakim en 1009 est une exception aussi courte que marquante.

Les révoltes et les troubles réguliers n’empêchent pas l’épanouissement du commerce avec de nombreux pays, de l’Europe à l’Inde, et la prospérité économique. L’artisanat et l’architecture en sont la preuve : Le Caire conserve les traces des nombreuses fondations de mosquées et mausolées que les califes et leur entourage commanditèrent tandis que les musées de par le monde accueillent les riches productions du califat (bois, céramique, verre, cristal de roche, ivoire…).

Dans la même période l’activité intellectuelle, artistique et littéraire se développe autour du pouvoir califal et éclipse un temps celle de Bagdad. La mosquée al-Azhar, fondée en 969, devient l’université musulmane la plus connue au monde dans l’étude de l’islam jusqu’à aujourd’hui.

Les ismaéliens seraient actuellement plus de quinze millions dans le monde. Leur chef spirituel est l’Aga Khan. En Syrie, en Jordanie, en Israël et au Liban, les Druzes font partie d’une branche dérivée de l’ismaélisme fatimide.
Dominique Misigaro

Pour aller plus loin :

  • Les dynasties musulmanes, Clifford Edmund Bosworth, Paris : Actes Sud, 1996, p. 79-82
  • Les Fatimides et la Méditerranée centrale (Xe-XIIe siècle), Patrice Cressier, Annelise Nef (dirs.), Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, 2016
  • L’Egypte fatimide, son art et son histoire, Marianne Barrucand, Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 1999
  • Trésors fatimides du Caire, [cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 1998], Paris, Institut du monde arabe, Gand, Snoeck Ducaju & Zoon, 1998
  • Les Fatimides (909-1171), David Bramoullé, Qantara, 2008, Voir le site
  • Les Fatimides, Discover islamic art, Museum with no Frontiers 2004-2016 , Voir le site

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