L'expansion arabo-musulmane #article

Comment expliquer l’expansion foudroyante de l’Islam ?

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À la mort de Muhammad, en 632, les musulmans dominent essentiellement l’ouest de la péninsule Arabique, autour des villes de Médine et La Mecque. À leurs frontières, deux grands empires, établis depuis des siècles : Byzance, qui descend de l’empire romain, autour de la Méditerranée orientale, et la Perse sassanide, à l’est, établie depuis le IIIe siècle. En Espagne les Wisigoths, d’origine germanique, dominent la région, tandis que des peuples berbères s’organisent autour de cités au Maghreb.

Un siècle plus tard, un nouvel empire est né. Sorties d’Arabie sous les règnes des califes « bien guidés » (632-661), les troupes califales prennent la Syrie, l’Égypte, l’Irak, puis se dirigent vers le Maghreb et l’Asie Centrale. Renforcées de soldats non-arabes (berbères, persans, etc.), musulmans ou non, les armées franchissent, à l’ouest, le détroit de Gibraltar et arrivent, à l’est, au fleuve Indus la même année, en 711. La victoire de Talas contre les Chinois en 751 et la perte de Narbonne en 759, peuvent être considérées comme des marqueurs de la fin de l’expansion, même si l’Anatolie (l’actuelle Turquie) ou l’Inde entrent plus tard dans le giron islamique.

L’expansion de l’Islam est donc extrêmement rapide, ce qui est inhabituel, d’autant que les armées des califes étaient mal équipées en regard des troupes byzantines et sassanides bien entraînées. Comment l’expliquer ? La question reste en partie irrésolue. Les sources archéologiques et les textes nous manquent sur cette époque ; lorsqu’ils existent, ils peuvent se contredire. Ainsi, nous ne savons si Damas a été prise aux Byzantins à l’été ou à l’automne 635, ni si le siège de la cité a duré 70 jours ou 14 mois ! De telles divergences entre les sources historiques invitent à rester prudent, même si l’on peut évoquer plusieurs pistes.

Si les empires byzantin et sassanide paraissent, à première vue, imposer leur domination à de vastes territoires, dans les faits, ils connaissent de nombreuses difficultés au début du VIIe siècle. Une guerre les oppose durant plus de vingt-cinq ans, entre 602 et 628, ravageant les riches provinces de Syrie, d’Anatolie et d’Égypte. Il faut ajouter à cela des dissensions internes au sein même de chacun des empires, liées à des oppositions religieuses et sociales. En Égypte, les Coptes, des chrétiens qui professent une foi légèrement différente de celle en vigueur dans la capitale de Constantinople, sont discriminés, voire massacrés : ils deviennent des appuis pour les nouveaux conquérants, qui n’obligent personne à se convertir, mais permettent au contraire de conserver les églises et les cultes en échange du paiement d’un tribut.

En Perse aussi, les conflits sont nombreux, souvent moins liés à des questions religieuses – le zoroastrisme, religion d’État, n’est pas imposé à tous, les chrétiens et les juifs sont nombreux – qu’à des problèmes sociaux. La structure de la société sassanide est rigide et aristocratique, entraînant d’incessants conflits de pouvoir dans les hautes sphères de la société, et le creusement d’un fossé avec la masse de la population. L’islam, là encore, apparaît comme une opportunité pour les soldats et les notables locaux, qui se convertissent rapidement et assurent la domination du pouvoir islamique dans la région.

Néanmoins la faiblesse des États au moment de la conquête ne peut expliquer à elle seule le succès des armées califiennes. Certains traits d’organisation sociale spécifiquement arabes, et certains éléments psychologiques, comme la ferveur religieuse des nouveaux convertis, doivent aussi être convoqués. Lorsque l’enthousiasme s’émousse, avec les querelles internes qui agitent les musulmans au cours des VIIe-VIIIe siècles, l’avancée devient plus difficile : c’est le cas au Maghreb, pourtant bien moins organisé que les grands empires qui sont tombés si facilement.

Il est encore difficile, de nos jours, de se pencher de manière neutre sur cette période, tant elle est fondatrice et a donné lieu à des interprétations et légendes innombrables. Celles-ci existent d’ailleurs tant du côté islamique qu’occidental : Charles Martel est encore, pour beaucoup de Français, celui qui a « arrêté les Arabes à Poitiers » ! Quoiqu’il en soit, il faut souligner que les conquêtes sont avant tout politiques. Elles ne sont pas musulmanes ou arabes : les armées califales ne sont pas toutes composées de musulmans ou d’Arabes, l’objectif n’est pas la conversion, et il n’existe pas de large mouvement de population. Néanmoins, ce désir de pouvoir a mené, à terme, à d’importants changements culturels, dont témoigne la répartition actuelle de la langue arabe.
Antoine Le Bail

Pour aller plus loin :

  • Les débuts du monde musulman, De Muhammad aux dynasties autonomes, Thierry Bianquis, Pierre Guichard et Mathieu Tillier, Paris : PUF, 2012.
  • The Early Islamic Conquests, Fred Donner, Princeton : Princeton University Press, 1981
  • L’Expansion musulmane, VIIe-XIe siècle, Robert Mantran, Paris, PUF, 1991
  • Expansion et conquètes islamiques, Christophe Naudin, Histoire-pour-tous, 2015, Voir le site

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