L'expansion arabo-musulmane #article

Pourquoi la bataille de Talas (751) a-t-elle encore une influence de nos jours ?

Localisation de la bataille de Talas. © IMA
La rivière Talas coule de nos jours au Kirgizhistan, territoire natal des populations turco-mongoles, au cœur de l’Asie. Au milieu du VIIIe siècle, c’est une zone stratégique et commerciale à la frontière de la Chine, où se rencontrent, en 751, les armées de l’empereur chinois Tang et les conquérants arabes.

Une bataille décisive

Les Tang règnent sur la Chine, immense territoire cosmopolite, depuis le début du VIIe siècle. Cette famille, d’origine turque, peut compter sur le soutien des forces militaires des peuples nomades du Nord de la Chine. Face à eux, les Arabes sont dirigés par la famille Abbasside, qui vient de prendre le pouvoir à la suite d’une révolte. Celle-ci doit encore assurer sa domination sur un empire aux frontières fluctuantes, qui s’étend du monde iranien au nord des Pyrénées.

La bataille qui s’annonce en juillet 751 est décisive pour les deux camps : chacun cherche à s’assurer le contrôle de l’Asie Centrale, afin de protéger son territoire de futures incursions et de maîtriser les fructueuses routes de commerce qui relient Xian, la capitale chinoise, à Bagdad et Constantinople, et où transitent les matières précieuses.

Difficile de savoir exactement comment le combat s’est déroulé, malgré l’existence de sources historiques à la fois chinoises et arabes : les textes se contredisent souvent, par exemple sur le nombre des soldats. Il semble toutefois que l’armée abbasside ait trouvé des appuis auprès Tibétains, peuple alors en révolte contre la tutelle chinoise, et qu’une tribu turque ait trahi le camp des Tang. Quoiqu’il en soit, la victoire arabe est certaine, et entraîne des conséquences majeures… voire improbables.

Des conséquences sur le long terme

Le succès des armées abbassides, n’ouvre pas la voie à de nouvelles conquêtes. Au contraire, le monde islamique vient d’atteindre sa limite orientale : bien qu’il existe des populations musulmanes en Chine, comme les Ouïghours, elles n’ont jamais exercé un pouvoir politique. Les contacts avec le monde turc, par contre, se trouvent renforcés : à partir du IXe siècle, les armées du calife utilisent en grande partie des esclaves militaires qui en sont issus.

Mais la conséquence la plus durable est d’ordre culturel : la légende veut en effet que parmi les prisonniers chinois de la bataille de Talas se soient trouvés plusieurs fabricants de papier. Ce serait grâce à eux que le papier aurait donc été introduit dans le monde arabe, puis en Europe !
Antoine Le Bail

Pour aller plus loin :

  • Les batailles de la région du Talas et l'expansion musulmane en Asie Centrale, Islam et Chine : un choc multiséculaire, Dominique Farale, Paris : Economica, 2006
  • L’Asie Centrale, Jean-Paul Roux, Paris : Fayard, 1997
  • The Battle of Talas, In our time, Melvin Bragg, BBC Radio 4 , Voir le site

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