Les « printemps arabes » sont-ils un échec ou une réussite ?
Les printemps arabes n’ont pas vu éclore les fleurs de la démocratie, de la justice sociale et des libertés. Ils ont donné lieu à une succession d’étés embrasés par la guerre, d’automnes brumeux et de longs hivers meurtriers, marqués par un nombre croissant de morts, de blessés et de réfugiés. Et pourtant entre la fin du mois de décembre 2010 et le début de l’année 2011, tous les espoirs étaient encore permis, les sociétés civiles semblaient prendre leur revanche sur les dirigeants autoritaires qui les avaient gouvernés ces cinquante dernières années.
Les symboles de la révolution
En 2010, la révolution est en marche dans les pays arabes et ses symboles s’érigent les uns après les autres comme autant de preuves de son avancée. Le 17 décembre, l’immolation par le feu d’un jeune vendeur ambulant à Sidi Bouzid déclenche une vague de contestations en Tunisie, puis progressivement dans l’ensemble des pays de la région. L’Algérie suit avec un succès moindre, mais le mouvement mené par les étudiants au Yémen est rapidement rejoint par l’opposition et une partie de l’armée. Au mois de janvier 2011 la Mauritanie et la Libye sont à leur tour traversées par le vent de la révolte. Ben Ali, président de la Tunisie depuis 1987, quitte son pays au même moment et se réfugie en Arabie Saoudite. L’Égypte connaît sa première « journée de la colère » ; la place Tahrir au Caire devient l’un des symboles de la révolte égyptienne et du printemps arabe en général. En février, Hosni Moubarak, qui dirigeait le pays depuis trente ans, est aussi contraint de quitter le pouvoir à la suite des soulèvements populaires. Cela donne de l’espoir aux insurgés libyens qui constituent un Conseil national de transition à Benghazi et déclarent la guerre au général Kadhafi. Ils sont soutenus par la France puis les forces alliées de l’OTAN. Le Maroc voit à son tour la naissance du mouvement de contestation le 20 février ; il pousse le roi à rédiger une nouvelle constitution. Enfin, au mois de mars la Syrie entre sur la scène des contestations populaires et du déferlement de la violence. Malgré des tentatives de réformes entamées par son président, Bashar al-Assad, la contestation persiste. Le parti Baath perd une part importante de ses membres après les massacres infligés aux villes rebelles par l’armée syrienne.
De la révolte aux guerres civiles
Les soulèvements populaires donnent rapidement lieu à des réformes constitutionnelles au Maroc, en Algérie, en Égypte. L’organisation d’élections libres et la mobilisation croissante de la société civile en Tunisie ont été favorablement accueillies. Mais si elles ont permis l’émergence d’un réel espoir pour un changement de société dans le pays, les violences en Libye et en Syrie annoncent les futures guerres civiles...
En Libye, de violents heurts éclatent entre les forces du Conseil National de Transition, gouvernement provisoire mis en place par les populations en lutte, et les forces de Kadhafi. Ils font un nombre incalculable de victimes, mais finissent par avoir raison de la résistance du dictateur, qui meurt de ses blessures après des frappes aériennes de l’OTAN. Il laisse une Libye divisée, embourbée dans les oppositions entre clans.
La Syrie, quant à elle, se retrouve dans une situation catastrophique, encore d’actualité. En cinq ans de guerre civile, plus de 220 000 personnes ont été tuées, plus de 4 millions ont fui la guerre, devenant des réfugiés dans les pays voisins comme la Turquie, ou en Europe. L’espérance de vie dans le pays a chuté de vingt ans et son économie s’est effondrée. Un nouvel acteur, s’autoproclamant « État islamique » (daesh), a profité du désordre pour s’imposer dans la région, après s’être assuré une partie de l’Irak. Il promeut une vision islamiste, et cherche à imposer des règles rigoristes à tous les territoires qu’il contrôle. La Syrie se retrouve donc divisée entre différentes zones contrôlées par daesh, par le président officiel Bashar al-Assad, ou par d’autres groupes rebelles. Bashar al-Assad, grâce au soutien indéfectible de la Russie et de la Chine, voit toutefois sa résistance se renforcer. Aucun pays de la région n’a jamais été aussi éloigné d’une solution pacifique du conflit. Et les discours nostalgiques des temps passés se font de plus en plus entendre : la révolution oui, mais à quel prix ?
Khadidja Guebache
Les symboles de la révolution
En 2010, la révolution est en marche dans les pays arabes et ses symboles s’érigent les uns après les autres comme autant de preuves de son avancée. Le 17 décembre, l’immolation par le feu d’un jeune vendeur ambulant à Sidi Bouzid déclenche une vague de contestations en Tunisie, puis progressivement dans l’ensemble des pays de la région. L’Algérie suit avec un succès moindre, mais le mouvement mené par les étudiants au Yémen est rapidement rejoint par l’opposition et une partie de l’armée. Au mois de janvier 2011 la Mauritanie et la Libye sont à leur tour traversées par le vent de la révolte. Ben Ali, président de la Tunisie depuis 1987, quitte son pays au même moment et se réfugie en Arabie Saoudite. L’Égypte connaît sa première « journée de la colère » ; la place Tahrir au Caire devient l’un des symboles de la révolte égyptienne et du printemps arabe en général. En février, Hosni Moubarak, qui dirigeait le pays depuis trente ans, est aussi contraint de quitter le pouvoir à la suite des soulèvements populaires. Cela donne de l’espoir aux insurgés libyens qui constituent un Conseil national de transition à Benghazi et déclarent la guerre au général Kadhafi. Ils sont soutenus par la France puis les forces alliées de l’OTAN. Le Maroc voit à son tour la naissance du mouvement de contestation le 20 février ; il pousse le roi à rédiger une nouvelle constitution. Enfin, au mois de mars la Syrie entre sur la scène des contestations populaires et du déferlement de la violence. Malgré des tentatives de réformes entamées par son président, Bashar al-Assad, la contestation persiste. Le parti Baath perd une part importante de ses membres après les massacres infligés aux villes rebelles par l’armée syrienne.
De la révolte aux guerres civiles
Les soulèvements populaires donnent rapidement lieu à des réformes constitutionnelles au Maroc, en Algérie, en Égypte. L’organisation d’élections libres et la mobilisation croissante de la société civile en Tunisie ont été favorablement accueillies. Mais si elles ont permis l’émergence d’un réel espoir pour un changement de société dans le pays, les violences en Libye et en Syrie annoncent les futures guerres civiles...
En Libye, de violents heurts éclatent entre les forces du Conseil National de Transition, gouvernement provisoire mis en place par les populations en lutte, et les forces de Kadhafi. Ils font un nombre incalculable de victimes, mais finissent par avoir raison de la résistance du dictateur, qui meurt de ses blessures après des frappes aériennes de l’OTAN. Il laisse une Libye divisée, embourbée dans les oppositions entre clans.
La Syrie, quant à elle, se retrouve dans une situation catastrophique, encore d’actualité. En cinq ans de guerre civile, plus de 220 000 personnes ont été tuées, plus de 4 millions ont fui la guerre, devenant des réfugiés dans les pays voisins comme la Turquie, ou en Europe. L’espérance de vie dans le pays a chuté de vingt ans et son économie s’est effondrée. Un nouvel acteur, s’autoproclamant « État islamique » (daesh), a profité du désordre pour s’imposer dans la région, après s’être assuré une partie de l’Irak. Il promeut une vision islamiste, et cherche à imposer des règles rigoristes à tous les territoires qu’il contrôle. La Syrie se retrouve donc divisée entre différentes zones contrôlées par daesh, par le président officiel Bashar al-Assad, ou par d’autres groupes rebelles. Bashar al-Assad, grâce au soutien indéfectible de la Russie et de la Chine, voit toutefois sa résistance se renforcer. Aucun pays de la région n’a jamais été aussi éloigné d’une solution pacifique du conflit. Et les discours nostalgiques des temps passés se font de plus en plus entendre : la révolution oui, mais à quel prix ?
Khadidja Guebache
Pour aller plus loin :
- Le nouveau monde arabe, enjeux et instabilités, Denis Bauchard, Paris : A. Versaille, 2012
- La révolution tunisienne, s'emparer de l’histoire, Amor Cherni, Paris : Al Bouraq, 2011
- Crise libyenne, la nouvelle donne géopolitique, Jean Fleury, Paris : J. Picollec, 2012
- Tunis 2011, le pouvoir piégé par la toile, Moncef Guellaty, Paris : M. de Maule, 2012
- Le choc des révolutions arabes, Mathieu Guidère, Paris : Autrement, 2011
- Tunisie, Algérie, Maroc, la colère des peuples, Martine Gozlan, Paris : L’Archipel, 2011
- Le Pharaon renversé ; dix-huit jours qui ont changé l’Égypte, Robert Solé, Paris : Les Arènes, 2011
- Le printemps arabe décodé, faces cachées des révoltes, Bassam Tayara, Beyrouth : Al Bouraq, 2011
- La révolte en réseau, le "printemps arabe" et les médias sociaux, David M. Faris, Politique étrangère, 2012/1, p. 99-109 , Voir le site
- Que reste-t-il des printemps arabes ? , Laurent de Saint-Périer, Jeune Afrique, 2016, Voir le site
- Le "Printemps arabe", cinq ans après, Amnesty International, Campagnes, Voir le site