Comment des esclaves ont-ils pu gouverner l’Égypte et la Syrie pendant plusieurs siècles ?
Les Mamelouks sont des sultans d’origine turque qui ont régné Égypte et en Syrie de 1250 à 1517.
Le terme arabe « mamelouk » signifie littéralement « chose possédée ». Quand il s’applique à un être humain on peut le traduire par « esclave » et il s’utilise dans le monde islamique pour désigner plus particulièrement les esclaves militaires.
La création d’une armée constituée de mamelouks remonte au califat abbasside (750-1258). De jeunes enfants et adolescents sont achetés en dehors des frontières du monde islamique, formés militairement et intellectuellement, convertis à l’islam. Affranchis à l’issue de cette éducation, ils entrent au service du souverain.
Cette organisation s’est particulièrement développée en Égypte et en Syrie à partir du milieu du XIIIe siècle. La garde d’esclaves des sultans ayyoubides (1171-1250) se révolte et prend le pouvoir suprême en 1250 au Caire. À cette époque, les Mamelouks sont en majeure partie des Turcs issus d’Asie Centrale et du Caucase, très bons cavaliers. Ils portent des noms turcs, parlent turc, conservent des coutumes et traditions turques, comme la consommation de lait de jument fermenté. Ils se mélangent très peu au reste de la population.
Le système mamelouk s’articule autour d’un sultan, détenteur du pouvoir de gouverner, et de ses émirs, généraux, grands fonctionnaires ou administrateurs de provinces. Ces derniers reçoivent un salaire et des domaines agricoles qui leur permettent d’entretenir leur contingent, avec lequel ils vont guerroyer au nom de leur souverain. La société mamelouke est très hiérarchisée.
Dans le domaine militaire, la plus importante victoire des Mamelouks est d’avoir arrêté la progression des Mongols. Ceux-ci, après avoir envahi le monde iranien dès le début des années 1220 et fait chuter la capitale de l’empire abbasside, Bagdad, en 1258, s’apprêtaient à prendre la Syrie. La bataille contre les troupes du célèbre Mamelouk Baybars à Ayn Jalout, en 1260, sonne le glas de leurs ambitions et confère aux Mamelouks une aura exceptionnelle dans tout le monde islamique. Après cette victoire ils accueillent au Caire le dernier représentant de la famille abbasside, qui devient un calife fantoche.
À la même époque, les Mamelouks mènent aussi une politique très agressive vis-à-vis des Croisés, qui aboutit en 1291 à la conquête de leur dernier foyer en Orient, Saint-Jean d’Acre, et donc à la fin des croisades.
À leur apogée, les Mamelouk contrôlent l’Égypte et la Syrie, ainsi que les lieux saints de La Mecque et Médine, et le commerce en mer Rouge. Malgré une certaine instabilité politique, ces régions jouissent d’une grande prospérité économique, qui se traduit dans le paysage architectural des villes, et notamment de la capitale, Le Caire. Chaque sultan ou émir fait élever un palais, une mosquée ou un mausolée monumental. Le sultanat mamelouk produit également d’exceptionnelles réalisations dans le domaine de l’art du livre, du verre émaillé et doré, du travail du bois et des métaux incrustés. Ces œuvres font souvent apparaître une nouveauté dans le monde islamique : l’utilisation de blasons représentant un émir ou un sultan par un symbole lié à sa personne ou à sa charge.
À partir du milieu du XIVe siècle, le sultanat mamelouk connaît d’importantes difficultés liées tout d’abord aux graves épisodes de peste qui, comme en Europe à la même période, déciment la population et se répercutent sur l’agriculture et les finances de l’État. En 1498, le contournement du cap de Bonne Espérance par les Portugais entame la prospérité économique du sultanat en détournant une partie du commerce qui transitait jusqu’alors par ses territoires.
Finalement, les Mamelouks ne résistent pas à l’expansion ottomane, dont l’armée (composée elle aussi d’esclaves militaires, les janissaires), s’empare de la Syrie en 1516 et de l’Égypte en 1517.
La mémoire des Mamelouks d’Egypte et de Syrie perdure encore dans la culture populaire, grâce au Roman de Baybars, qui raconte, de manière très enjolivée, les aventures du plus célèbre sultan d’Égypte.
Dominique Misigaro
Le terme arabe « mamelouk » signifie littéralement « chose possédée ». Quand il s’applique à un être humain on peut le traduire par « esclave » et il s’utilise dans le monde islamique pour désigner plus particulièrement les esclaves militaires.
La création d’une armée constituée de mamelouks remonte au califat abbasside (750-1258). De jeunes enfants et adolescents sont achetés en dehors des frontières du monde islamique, formés militairement et intellectuellement, convertis à l’islam. Affranchis à l’issue de cette éducation, ils entrent au service du souverain.
Cette organisation s’est particulièrement développée en Égypte et en Syrie à partir du milieu du XIIIe siècle. La garde d’esclaves des sultans ayyoubides (1171-1250) se révolte et prend le pouvoir suprême en 1250 au Caire. À cette époque, les Mamelouks sont en majeure partie des Turcs issus d’Asie Centrale et du Caucase, très bons cavaliers. Ils portent des noms turcs, parlent turc, conservent des coutumes et traditions turques, comme la consommation de lait de jument fermenté. Ils se mélangent très peu au reste de la population.
Le système mamelouk s’articule autour d’un sultan, détenteur du pouvoir de gouverner, et de ses émirs, généraux, grands fonctionnaires ou administrateurs de provinces. Ces derniers reçoivent un salaire et des domaines agricoles qui leur permettent d’entretenir leur contingent, avec lequel ils vont guerroyer au nom de leur souverain. La société mamelouke est très hiérarchisée.
Dans le domaine militaire, la plus importante victoire des Mamelouks est d’avoir arrêté la progression des Mongols. Ceux-ci, après avoir envahi le monde iranien dès le début des années 1220 et fait chuter la capitale de l’empire abbasside, Bagdad, en 1258, s’apprêtaient à prendre la Syrie. La bataille contre les troupes du célèbre Mamelouk Baybars à Ayn Jalout, en 1260, sonne le glas de leurs ambitions et confère aux Mamelouks une aura exceptionnelle dans tout le monde islamique. Après cette victoire ils accueillent au Caire le dernier représentant de la famille abbasside, qui devient un calife fantoche.
À la même époque, les Mamelouks mènent aussi une politique très agressive vis-à-vis des Croisés, qui aboutit en 1291 à la conquête de leur dernier foyer en Orient, Saint-Jean d’Acre, et donc à la fin des croisades.
À leur apogée, les Mamelouk contrôlent l’Égypte et la Syrie, ainsi que les lieux saints de La Mecque et Médine, et le commerce en mer Rouge. Malgré une certaine instabilité politique, ces régions jouissent d’une grande prospérité économique, qui se traduit dans le paysage architectural des villes, et notamment de la capitale, Le Caire. Chaque sultan ou émir fait élever un palais, une mosquée ou un mausolée monumental. Le sultanat mamelouk produit également d’exceptionnelles réalisations dans le domaine de l’art du livre, du verre émaillé et doré, du travail du bois et des métaux incrustés. Ces œuvres font souvent apparaître une nouveauté dans le monde islamique : l’utilisation de blasons représentant un émir ou un sultan par un symbole lié à sa personne ou à sa charge.
À partir du milieu du XIVe siècle, le sultanat mamelouk connaît d’importantes difficultés liées tout d’abord aux graves épisodes de peste qui, comme en Europe à la même période, déciment la population et se répercutent sur l’agriculture et les finances de l’État. En 1498, le contournement du cap de Bonne Espérance par les Portugais entame la prospérité économique du sultanat en détournant une partie du commerce qui transitait jusqu’alors par ses territoires.
Finalement, les Mamelouks ne résistent pas à l’expansion ottomane, dont l’armée (composée elle aussi d’esclaves militaires, les janissaires), s’empare de la Syrie en 1516 et de l’Égypte en 1517.
La mémoire des Mamelouks d’Egypte et de Syrie perdure encore dans la culture populaire, grâce au Roman de Baybars, qui raconte, de manière très enjolivée, les aventures du plus célèbre sultan d’Égypte.
Dominique Misigaro
Pour aller plus loin :
- Renaissance of Islam, Art of the Mamluks, Esin Atil, [cat. exp.], Washington ; Smithsonian Institution Press, 1981
- Le phénomène mamelouk dans l’Orient islamique, David Ayalon, Paris : PUF, 1996
- L’Égypte des Mamelouks, 1250-1517, l’empire des esclaves, André Clot, Paris : Perrin, 1996
- Les Mamelouks XIIIe-XVIe siècle, une expérience du pouvoir dans l’islam médiéval, Julien Loiseau, Paris : Seuil, 2014
- Les Mamelouks (1250-1517), Carine Juvin, Qantara, 2008
- Les Mamelouks, intervention de Julien Loiseau, Rendez-vous de l’histoire du monde arabe, 2015, Voir le site
- The Art of the Mamluk Period, Suzan Yalman, Heilbrunn Timeline of Art History, New York : Metropolitan Museum of Art, 2001, Voir le site
- Le roman de Baïbars, récit romanesque anonyme, Paris : Actes Sud, dep. 1998