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Comment se déroule la « Reconquista » en Espagne ?

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La Reconquista (« reconquête » en espagnol) est le terme le plus répandu désignant les guerres entre royaumes chrétiens et islamiques en Espagne au cours du Moyen Âge. Motivés, entre autres, par des raisons religieuses, ces conflits menèrent progressivement à la conquête des territoires islamiques par des princes chrétiens.

La quasi-totalité de la péninsule Ibérique a été prise par l’Islam à partir de 711. Ce territoire, nommé al-Andalous, est structuré par la suite sous la dynastie des Omeyyades de Cordoue (756-1031), indépendante des autres pouvoirs du monde islamique à la même période. Les frontières d’al-Andalous se fixent temporairement au VIIIe siècle : après les revers de Covadonga (722) et Poitiers (732), les forces islamiques n’annexent presque plus de nouveaux territoires. Seule la frange nord de l’Espagne, non conquise, reste aux mains du royaume chrétien des Asturies. La population d’al-Andalous est alors en majorité chrétienne : l’islam ne s’impose qu’au Xe siècle, sans jamais toucher l’ensemble des habitants de la péninsule.

À la fin du VIIIe siècle, les combats menés par Charlemagne et ses successeurs le long des Pyrénées entraînent la formation d’un ensemble de petits comtés chrétiens aujourd’hui situés en Catalogne. Un des plus importants est celui de Barcelone, ville reprise aux Omeyyades en 801. Parallèlement, l’essor de la démographie, des techniques agricoles et des pèlerinages, comme celui de Saint-Jacques-de-Compostelle (qui naît au début du IXe siècle), permet la montée en puissance des pouvoirs chrétiens du nord de la péninsule Ibérique. Au tournant de l’an mil, les conflits s’intensifient. Les souverains musulmans remportent cependant une série de victoires, à León en 988, à Compostelle en 997, à Burgos en 1000. Mais vers 1006 a lieu un tournant : une alliance de comtes catalans s’impose face aux armées d’al-Andalous.

Peu après, le califat omeyyade d’Espagne sombre dans l’anarchie et laisse place à une myriade de cités-états. Vingt-six royaumes principaux, souvent en guerre les uns contre les autres, sont alors gouvernés par des Arabes, des Slaves musulmans et des Berbères. Ils font souvent appel à des troupes chrétiennes, venant notamment du nord des Pyrénées, pour leurs expéditions militaires. Cette situation politique complexe favorise les royaumes chrétiens du nord. En 1085, Tolède est reprise par Alphonse VI de Castille et León. Peu après, les ateliers monétaires de cette ville sont utilisés pour frapper, au nom des rois de Castille, des monnaies d’or calquées sur les modèles islamiques, les maravédis.

Face à cette spirale négative, deux dynasties berbères originaires du Maroc, les Almoravides (1056-1147) et les Almohades (1130-1269), s’imposent en Espagne. Connues pour leur rayonnement culturel, mais aussi pour leur puissance militaire et leur ferveur religieuse, elles n’arrivent cependant pas à enrayer la Reconquista. En 1212, à la bataille de Las Navas de Tolosa, les forces almohades subissent une grande défaite qui ouvre la voie à la dislocation de leur territoire.

Finalement, à partir des années 1250, la seule présence islamique en al-Andalous est assurée par l’émirat nasride de Grenade (1230-1492). Cette lignée parvient à régulièrement conclure des traités avec les royaumes chrétiens et à préserver la paix, permettant l’embellissement de leur capitale et le développement des arts. Leur palais de l’Alhambra est devenu, au fil du temps, un des symboles de l’art islamique. Toutefois, dès le début du XVe siècle, l’émirat connaît de graves dissensions internes qui aboutissent, en 1492, à la prise de Grenade. Bien que le dernier souverain nasride soit encore resté plusieurs mois dans la péninsule après la perte de sa capitale, on considère souvent que cette date marque la fin de la présence islamique en Espagne, et la fin du Moyen Âge européen.

La Reconquista est donc un phénomène long et bien plus complexe que sa terminologie ne le laisse supposer. Il ne s’agit pas d’une opération planifiée dans une seule perspective religieuse, mais bien du fruit de la conjonction d’évènements localisés, de volontés politiques variables et de conflits internes aux communautés musulmanes et chrétiennes.
Guilhem Dorandeu

Pour aller plus loin :

  • La péninsule Ibérique au Moyen Âge, Daniel Baloup, Stéphane Boissellier, Claude Denjean, Rennes : PUR, 2003
  • Histoire de la Reconquista, Philippe Conrad, PUF, 1998
  • De la conquête arabe à la reconquête, grandeur et fragilité d’al-Andalus, Pierre Guichard, Grenade : Fondation el Legado d’Andalusi, 2000
  • La Reconquista, BNF Classes, Dossiers pédagogiques de la BNF , Voir le site
  • Islamic Spain and the Reconquista, Historical Atlas of the Mediteranean, Explore the Med , Voir le site

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