Un monde en mutation #article

Pourquoi la chute de Bagdad en 1258 a-t-elle bouleversé le monde arabe ?

Représentation de la prise de Bagdad par les Mongols en 1258, dans un album du XIVe siècle, Berlin, Bibliothèque Nationale, Diez A, fol. 70. © Staatsbibliothek zu Berlin - Preussischer Kulturbesitz, Orientabteilung
Bagdad est à partir de 762 la capitale de l’empire abbasside, qui règne sur une large part du monde islamique. La ville devient rapidement un centre intellectuel et scientifique majeur. Cependant, dès le Xe siècle, l’empire perd de sa superbe et se voit confronté à l’émergence de pouvoirs autonomes, comme en Espagne ou en Égypte. Placé sous tutelle de sultans d’origine turque depuis le XIe siècle, il devient une proie pour les armées mongoles qui déferlent sur l’Iran, depuis l’Asie Centrale, à partir des années 1220. Leur rapide progression les mène aux portes de Bagdad à la fin de l’année 1257.

L’armée mongole est menée par Houlagou, petit-fils de Gengis Khan. Sa stratégie consiste dans un premier temps à encercler Bagdad et à en bloquer les accès. Les propositions de reddition qu’Houlagou fait au calife al-Moustasim ayant été refusées, les Mongols choisissent alors de détruire les canaux qui alimentent la ville depuis le fleuve Tigre. Le siège ne dure que quelques semaines. Le 10 février, le calife se rend au dirigeant mongol avec les officiers de l’armée et les hauts fonctionnaires, qui sont immédiatement exécutés. La population subit également les foudres de l’armée mongole : 80 000 à 100 000 civils auraient été massacrés ! Les mosquées, les palais, la grande bibliothèque sont pillés ou détruits. On raconte que le calife, après avoir assisté au bain de sang, aurait été piétiné par les chevaux de la cavalerie mongole.

La nouvelle de la chute de Bagdad provoque un choc dans l’ensemble du monde islamique et en constitue l’une des dates les plus marquantes. C’est l’une des principales capitales et l’un des pouvoirs les plus anciens et légitimes de l’Islam qui s’effondrent avec la ville.

Après cette victoire, les Mongols tentent de progresser jusqu’en Égypte, mais ils sont arrêtés lors de la bataille d’Ayn Jalout, en Palestine, en 1260. Le mythe de leur invincibilité s’effondre. Un survivant de la famille abbasside trouve alors refuge au Caire et devient calife à titre purement honorifique.

Représentation de la prise de Bagdad par les Mongols en 1258, dans un album du XIVe siècle, Berlin, Bibliothèque Nationale, Diez A, fol. 70. © Staatsbibliothek zu Berlin - Preussischer Kulturbesitz, Orientabteilung



Dominique Misigaro

Pour aller plus loin :

  • A Qasị̄da on the Destruction of Baghdad by the Mongols, J. de Somogyi, Bulletin of the School of Oriental Studies, 1933-35, 7, p. 41-8
  • The Mongol Conquest of Baghdad: Medieval Accounts and their Modern Assessments, Muhammad al-Faruque, Islamic Quarterly, 1988, XXXII/4, p. 194-206
  • Al-awādi al-ğāmia: a Contemporary Account of the Mongol Conquest of Baghdad, 656/1258, Hend Gilli-Elewy, Arabica, 2011, 58, 5, p. 3543-371
  • Die Mongolen in Iran: Politik, Verwaltung und Kultur der Ilchanzeit 1220-1350, Berthold Spuler, Leiden : Brill, 1985
  • La chute de Bagdad en 1258 : entre l’événement historique et ses symboliques, Anne Walpurger, Les clés du Moyen-Orient, 2014, Voir le site

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