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Qu’appelle-t-on les croisades ?

© AISA/Leemage
Le terme « croisade » est aujourd'hui un des mots les plus connus de l’histoire médiévale. Pourtant, il n’est apparu que bien après le Moyen Âge. Fruits de dynamiques complexes, ces déplacements d’individus, armés ou non, sont souvent nommés « passages » dans les textes historiques. Ils donnèrent lieu à des contacts entre les communautés religieuses mais aussi à des déplacements de populations, au Proche-Orient, sur les rives de la mer Baltique ou encore dans la péninsule Ibérique.

On classe encore aujourd'hui les croisades selon un ordre chronologique, comme autant de mouvements militaires distincts. Mais cette segmentation est souvent critiquée, car elle ne rend pas compte des dynamiques et des flux humains, du commerce et des échanges culturels s’étant effectués entre les différentes expéditions armées proprement dites.

La première croisade est la conséquence de plusieurs phénomènes indissociables. Le premier est l’appel formulé par le pape Urbain II à Clermont, le 27 novembre 1095, qui exhorte au nom du Christ les chrétiens à se porter « au secours de [leurs] frères qui habitent les pays d'Orient », menacés par les invasions turques. De nombreux pèlerins, en réponse, « prennent la croix » afin de « libérer » les lieux saints, les communautés chrétiennes locales et d'expier leurs propres péchés. Poussés par leur ferveur religieuse, ces hommes d’origine souvent modeste dépassent parfois les objectifs originellement fixés par Urbain II, et se livrent en chemin à des persécutions contre les Juifs, notamment en Rhénanie.

Les différents groupes armés s’ébranlent au printemps 1096, parviennent en Anatolie puis en Syrie en 1097. Les premières conquêtes territoriales débutent alors : la prise la plus importante est celle de la ville d’Antioche, occupée au cours du mois de juin 1098. L’essentiel de l’armée croisée poursuit ensuite sa route vers Jérusalem. La ville sainte est prise le 15 juillet 1099 et devient peu après la capitale d’un royaume latin. Celui-ci entretient d’étroits contacts avec les autres entités politiques créées par les croisés : le comté d’Édesse, les principautés d’Antioche et de Tripoli. Ces quatre territoires, ainsi que le royaume de Chypre conquis par Richard Cœur de Lion un siècle plus tard, sont nommés « États latins d’Orient ».

Sept croisades succèdent à la première et se dirigent vers le Levant, pour des raisons diverses. Certaines visent à renforcer les États latins d’Orient, d’autres ont pour objectif de reprendre des zones reconquises par l’Islam. L’une des plus célèbres est la troisième, qui intervient après la reprise de Jérusalem par Saladin, en 1187. Plusieurs souverains d’Europe mènent alors les troupes, dont le fameux Richard Cœur de Lion. Aucune, pourtant, ne parvient à égaler les importants succès de la première : la quatrième, armée par Venise, s’arrête à Constantinople et pille la ville, alors même que ses habitants sont chrétiens ; la septième voit la mort de Louis IX de France à Tunis.

Chevalier partant à la croisade, fresque de la chapelle de Cressac, XIIe siècle. ©AISA/Leemage


Les croisades ne doivent cependant pas être perçues uniquement comme des faits militaires : elles permirent des échanges économiques et culturels entre différents espaces, notamment grâce à la création de nouveaux comptoirs commerciaux sur les rives orientales de la Méditerranée. C’est aussi par la diplomatie, et non par la guerre, que Jérusalem redevint chrétienne pour quelques années, en 1229.

Enfin, les croisades ne concernent pas uniquement le Proche-Orient. Certaines eurent lieu en Europe, contre des « hérésies » : c’est par exemple le cas de la croisade des Albigeois (première moitié du XIIIe siècle). Plusieurs se déroulèrent en Espagne, dans le cadre des conflits liés à la Reconquista, ou au Maghreb. De même, les croisades nordiques permirent la création d’un État teutonique, fondé par les chevaliers de l’ordre du même nom, luttant contre des populations baltes païennes et chrétiennes.
Guilhem Dorandeu

Pour aller plus loin :

  • L’Orient au temps des croisades, Anne-Marie Eddé, Françoise Micheau, Paris : Flammarion, 2002
  • Chroniques arabes des Croisades, Francesco Gabrieli, Arles : Actes Sud, 1996
  • Historiens et chroniqueurs du Moyen Age : Robert de Clari, Villehardouin, Joinville, Froissart, Commynes, Albert Pauphilet (éd.), Paris : Gallimard, 1952
  • Croisades et pèlerinages, récits, chroniques et voyages en Terre Sainte, Danielle Regnier-Bohler (dir.), Paris : Robert Laffont, 1997
  • L’Esprit de la croisade, textes médiévaux, Jean Richard, Paris : Le Cerf, CNRS, 2012
  • Mémoires de l'Europe, Jean-Pierre Vivet (éd.), t. 1 L’Europe de la foi 800-1453, Paris : Robert Laffont, 1970
  • Orient et Occident au temps des croisades, Claude Cahen, Paris : Aubier, 1983
  • Croisades et croisés au Moyen Age, Alain Demurger, Paris : Flammarion, 2006
  • Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem, René Grousset, Paris : Perrin, 1991
  • Les Croisades, Cécile Morrisson, Paris : PUF, 2012
  • Atlas des croisades, Jonathan Riley-Smith, Paris : Autrement, 1996
  • Les croisades, Dossiers pédagogiques de la BNF, 2001-2002 , Voir le site
  • Les pérégrines, Jeanne Bourin, Paris : Gallimard, 1992
  • Trilogie d’Arn le Templier, Jan Guillou, Marseille : Agone, 2007-2011
  • Les croisades vues par les Arabes, Amin Maalouf, Paris : J.-C. Lattès, 1992
  • Croisade, Jean Dufaux, Philippe Xavier, Paris : Le Lombard, 2007-2014
  • Saladin, Youssef Chahine, Film, 1963, Voir le site
  • Les croisades, Cecil B. De Mille, Film, 1935, Voir le site
  • Arn, chevalier du temple, Peter Flinth, Film, 2007, Voir le site
  • Kingdom of Heaven, Ridley Scott, Film, 2005, Voir le site
  • « La première croisade » et « Aliénor et conséquences », , Confessions d’Histoire, 2015 , Voir le site

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