L'écriture arabe #article

Comment l’écriture est-elle devenue un art dans le monde arabe ?

Calligraphie coufique : feuillet de Coran provenant de la grande mosquée de Kairouan, 1022, musée des arts islamiques de Raqqada © Qantara/DMLG
La calligraphie arabe s’est développée dès l’avènement de l’Islam, au VIIe siècle. La mise par écrit du Coran a joué un rôle central : en effet, les copies du texte sacré ne peuvent réalisées que dans une écriture toujours soignée, contrairement à celle utilisée dans les documents administratifs. C’est donc avant tout dans les manuscrits coraniques qu’apparaît la « belle écriture » de la langue arabe. Plus tardivement, elle orne aussi des ouvrages à caractère profane, des objets d’art et des monuments, devenant ainsi l’un des traits caractéristiques des arts de l’Islam.

Calligraphie coufique : Façade de la mosquée al-Aqmar, Le Caire, 1125. © Silko (CC-BY 3.0) https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cairo,_moschea_di_al-aqmar,_04.JPG


Les plus anciens manuscrits conservés du Coran sont datés de la fin du VIIe et du VIIIe siècle. Ils sont copiés dans une écriture appelée hijazi, aux lettres souvent élancées et penchées, caractérisées par un tracé simple. À partir du IXe siècle, l’écriture arabe vise la perfection esthétique avec un nouveau style calligraphique dit « coufique » (d'après la ville de Koufa, en Irak), ou « angulaire ». Il se caractérise en effet par des arêtes vives entre la partie horizontale (base) et la partie verticale (hampe) des lettres. Afin de respecter la mise en page, le calligraphe module les caractères, en les allongeant, les étirant ou les resserrant. Certaines pages de manuscrits ne présentent que quelques lignes d’écriture coufique, ce qui explique pourquoi quelques Corans de prestige sont formés de plusieurs dizaines de volumes.

Calligraphie cursive : Décor de la madrasa Attarine, XIVe siècle. © Just_a_cheesburger (CC-BY 2.0) https://www.flickr.com/photos/53199286@N00/8753601695/in/photostream/


Au Xe siècle, le papier supplante le parchemin, permettant une production de plus en plus massive de livres dans le monde arabe. D’autres styles calligraphiques se développent alors, comme les écritures dites « cursives », au tracé plus souple et arrondi. Très variées, elles rompent avec l’unité graphique du coufique. Le naskhi se répand alors dans l’Orient musulman, le maghribi au Maghreb et dans l’Espagne musulmane.

Calligraphie maghribi : page de Coran calligraphiée par Muhammad al-Qandousi, XIXe siècle, Rabat, Bibliothèque royale du Maroc. © Marocimages/IMA


La calligraphie arabe devient une forme d’art majeur dans l’ensemble du monde islamique en étant codifiée par des maîtres prestigieux, tels que Ibn Mouqla ou Ibn al-Bawwab. Ces deux calligraphes, ayant vécu à la cour de Bagdad aux Xe et XIe siècles, ont instauré un système de règles théorisant une « écriture bien proportionnée », faisant de la calligraphie une discipline rigoureuse. Le calligraphe trace au calame - le roseau taillé en biseau qui sert d’instrument pour l’écriture - un cercle de référence à partir du alif, la première lettre de l’alphabet. Toutes les autres lettres de l’alphabet doivent être inscrites dans ce cercle. Un point-mesure permet ensuite de fixer les proportions de chaque lettre. La forme des lettres oblige ainsi les calligraphes à de nombreuses recherches au moyen de ces cercles et points de référence. L’écriture devient parfaitement lisible.

Modèles de calligraphie par Muhammad al-Hashimi, 1688-89 : chaque lettre est mesurée au moyen de carrés effectués avec la pointe du calame. © BNF


Au XIIIe siècle, à Bagdad, Yaqout al-Mustasimi perfectionne le naskhi et définit six styles calligraphiques canoniques : le naskhi, le mouhaqqaq, le thoulouth, le riqa, le rayhani et le tawqi. Ces styles sont brillamment cultivés dans tout l’Orient musulman à partir du XIVe siècle. Les Persans et les Ottomans, qui ont adopté l’alphabet arabe pour noter leur propre langue, c’est-à-dire le persan et le turc, donnent une impulsion nouvelle à ces différents styles. Ils en inventent aussi de nouveaux, comme le nastaliq.

Avec ses règles et ses styles, la calligraphie arabe fait donc l’objet d’un enseignement très strict et rigoureux. En dehors des manuscrits, les inscriptions apparaissent aussi dans des compositions spécifiques, souvent en contexte sacré. Elles magnifient ainsi l’architecture, la céramique, mais aussi les arts du métal, du verre ou du textile. Des frises calligraphiques apparaissent sur ces différents supports, agrémentées d’ornements géométriques ou végétaux. Outre sa fonction utilitaire, la calligraphie assume un rôle décoratif qui souligne parfois une forte dimension symbolique. Aujourd’hui encore, les calligraphes contemporains continuent de faire évoluer cet art. Des styles d’écriture comme le naskhi et le maghribi sont toujours en usage.
Sarah Piram

Pour aller plus loin :

  • Islamic calligraphy, Sheila Blair, Edimbourg : Edinburgh University Press, 2006
  • Calligraphie arabe, initiation, Alani Ghani, Paris : Fleurus, 2013
  • Le chemin d’un calligraphe, Hassan Massoudy, Paris : Phebus, 1995
  • Calligraphy and islamic culture, Annemarie Schimmel, New York : New York University Press, 1990
  • La calligraphie arabe et le sacré , Marthe Bernus-Taylor, L’aventure des écritures, BNF , Voir le site
  • La calligraphie arabe ou les métamorphoses d’un art millénaire , Khalili Halasi, UNESCO, Voir le site

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