Comment la langue arabe a-t-elle créé de nouveaux mots ?
Au fil de l’histoire, de nombreux mots nouveaux ont été créés et introduits dans la langue arabe, pour répondre à des besoins spécifiques. Cette pratique, qui existe dans toutes les langues, s’appelle la néologie, et les mots nouveaux, des néologismes.
En arabe, il existe de nombreux procédés de création de mots nouveaux. Au cours des siècles ont ainsi été utilisés l’emprunt à des langues étrangères, le calque (un emprunt à une langue étrangère, mais adapté à la sonorité de la langue nouvelle), la dérivation, la métaphorisation, la composition et le glissement sémantique. Le plus courant et le plus original de ces procédés est la dérivation, qui fait intervenir deux principes fondamentaux de la langue arabe : la racine (trois ou quatre lettres qui déterminent le sens du mot) et le schème (les voyelles et consonnes ajoutées à la racine pour donner la fonction du mot). Pour créer un mot nouveau par dérivation, on le construit selon l’un des schèmes conventionnels appliqué à la racine. Ainsi, pour créer l’équivalent arabe du mot ordinateur, on a recourt à la racine H-S-B qui signifie « calculer » et on lui applique le schème des noms d’outils, ce qui donne hasoub.
La langue arabe a connu plusieurs vagues de néologismes. La première remonte au IXe siècle, et fait suite à la traduction d’ouvrages grecs et persans, dans les galeries de la Bayt al-Hikma, la « maison de la sagesse » de Bagdad, qui mêlait une grande bibliothèque et des lieux de vie pour les savants. Plusieurs termes, relevant de la philosophie, ont alors été créés et intégrés comme falsafa (philosophie) et hayoula (matière). D’autres, existant déjà, connurent une importante extension de leur sens : ils ne se référèrent plus à un sens concret, établis dans les milieux bédouins, mais à des concepts abstraits, consacrés par le Coran. A titre d’exemple, le mot aql ne désigna plus une corde qui attache les dromadaires, mais aussi l’intellect qui relie les phénomènes de la nature, c’est-à-dire à peu près ce qu’on entend par intelligence ou esprit.
La deuxième vague de néologismes a eu lieu à l’époque de la Nahda, ou « Renaissance arabe », au XIXe siècle : la rencontre avec l’Occident noya le parler arabe dans une multitude de notions issues de la modernité politique, technique et culturelle. Afin de nommer ces idées nouvelles, les pionniers de ce mouvement puisèrent des termes dans l’arabe classique, travaillant d’abord par emprunt et calque, puis réalisant ensuite un véritable effort de création par le biais de la dérivation. C’est par exemple le cas du terme sayyara, qui est formé sur le modèle (schème) des noms d’outils. Il désigne désormais la voiture, et non plus la troupe de voyageurs, ce qui était son sens originel, en tant, cette fois, que pluriel du terme sair.
La dernière vague coïncide avec l’expansion de la presse arabe en dehors des frontières du monde arabe à partir de 1996 (chaînes, sites, journaux). Des milliers de termes et d’expressions virent alors le jour, rendant compte des nouveaux faits de la vie moderne, comme les mots bia pour « environnement », taira douna tayyar pour « drone »...
Nejmeddine Khalfallah
En arabe, il existe de nombreux procédés de création de mots nouveaux. Au cours des siècles ont ainsi été utilisés l’emprunt à des langues étrangères, le calque (un emprunt à une langue étrangère, mais adapté à la sonorité de la langue nouvelle), la dérivation, la métaphorisation, la composition et le glissement sémantique. Le plus courant et le plus original de ces procédés est la dérivation, qui fait intervenir deux principes fondamentaux de la langue arabe : la racine (trois ou quatre lettres qui déterminent le sens du mot) et le schème (les voyelles et consonnes ajoutées à la racine pour donner la fonction du mot). Pour créer un mot nouveau par dérivation, on le construit selon l’un des schèmes conventionnels appliqué à la racine. Ainsi, pour créer l’équivalent arabe du mot ordinateur, on a recourt à la racine H-S-B qui signifie « calculer » et on lui applique le schème des noms d’outils, ce qui donne hasoub.
La langue arabe a connu plusieurs vagues de néologismes. La première remonte au IXe siècle, et fait suite à la traduction d’ouvrages grecs et persans, dans les galeries de la Bayt al-Hikma, la « maison de la sagesse » de Bagdad, qui mêlait une grande bibliothèque et des lieux de vie pour les savants. Plusieurs termes, relevant de la philosophie, ont alors été créés et intégrés comme falsafa (philosophie) et hayoula (matière). D’autres, existant déjà, connurent une importante extension de leur sens : ils ne se référèrent plus à un sens concret, établis dans les milieux bédouins, mais à des concepts abstraits, consacrés par le Coran. A titre d’exemple, le mot aql ne désigna plus une corde qui attache les dromadaires, mais aussi l’intellect qui relie les phénomènes de la nature, c’est-à-dire à peu près ce qu’on entend par intelligence ou esprit.
La deuxième vague de néologismes a eu lieu à l’époque de la Nahda, ou « Renaissance arabe », au XIXe siècle : la rencontre avec l’Occident noya le parler arabe dans une multitude de notions issues de la modernité politique, technique et culturelle. Afin de nommer ces idées nouvelles, les pionniers de ce mouvement puisèrent des termes dans l’arabe classique, travaillant d’abord par emprunt et calque, puis réalisant ensuite un véritable effort de création par le biais de la dérivation. C’est par exemple le cas du terme sayyara, qui est formé sur le modèle (schème) des noms d’outils. Il désigne désormais la voiture, et non plus la troupe de voyageurs, ce qui était son sens originel, en tant, cette fois, que pluriel du terme sair.
La dernière vague coïncide avec l’expansion de la presse arabe en dehors des frontières du monde arabe à partir de 1996 (chaînes, sites, journaux). Des milliers de termes et d’expressions virent alors le jour, rendant compte des nouveaux faits de la vie moderne, comme les mots bia pour « environnement », taira douna tayyar pour « drone »...
Nejmeddine Khalfallah
Pour aller plus loin :
- La langue arabe de l’être à l’histoire , Jacques Berque, », L’ambivalence dans la culture arabe, Paris : Anthropos, 1967, p. 404-406
- Terminologie internet et création lexicale en arabe, contraintes linguistiques et défaillance de la traduction, Taoufik Djegham, Lille : ANRT, 2006
- Lexique raisonné de l’arabe littéral, Nejmeddine Khalfallah, Levallois-Perret : Studyrama, 2012
- La créativité lexicale en terminologie arabe, Ali Reguigui, Sudbury : Université Laurentienne, 1994