L'évolution de la langue arabe #article

Qu'est-ce que l'easy Arabic ou arabizi ?

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Contraction des deux mots arabi (arabe) et inglizi (anglais) ou de arabi et easy (facile), le terme arabizi désigne non seulement une nouvelle manière d'écrire l'arabe mais également une évolution considérable de cette langue.

C'est au début des années 1990, avec le développement des téléphones portables, qu'une difficulté majeure est apparue aux personnes écrivant l’arabe dans le monde, en particulier dans les pays du Golfe, premiers consommateurs de nouvelles technologies. Car ces nouveaux objets très en vogue étaient dépourvus de claviers arabes. Pour y remédier, un système ingénieux a été mis en place. Les messages rédigés en arabe dialectal furent écrits en caractères latins, et les lettres arabes n’ayant pas d'équivalent dans cet alphabet ont été remplacées par des chiffres qui en rappellent la forme. La distinction entre voyelles courtes et longues disparaît. En raison de la nature informelle de cette écriture, la transcription est légèrement différente d'une région à une autre du monde arabe :

2 (ou rien) : ء
7 : ح
kh/5/7’ : خ
dh : ذ
ch/sh : ش
s / S / 9 : ص
d / D / 9’ : ض
t / T /6 : ط
z / Z / 6‘ : ظ
3 : ع
gh / 3’ : غ
q / 9 / 8 : ق

L’arabizi a non seulement permis l'usage d'un alphabet différent, mais il a aussi instauré l'usage de l’arabe dialectal, langue de communication familière par excellence, sous forme écrite. Or l'écriture était jusqu'alors largement réservée à l'arabe dit littéraire ou littéral ; le dialectal était considéré comme une langue mineure, voire vulgaire, même si certains artistes l’utilisaient déjà dans le théâtre, et même dans la poésie. Bien que le phénomène soit en voie de s’essouffler, l’arabizi reste une forme d'écriture prisée chez certains jeunes et dans la diaspora qui, bien que pratiquant le dialectal, méconnaît souvent l'écriture en arabe. L'usage intensif des réseaux sociaux a aussi contribué à briser définitivement le « tabou » qui séparait l’arabe dialectal de la forme écrite. Il existe même une version de Wikipédia en dialecte égyptien, qui soulève d'ailleurs bien des polémiques.

De manière plus générale, on note une propension croissante chez les jeunes « branchés » à introduire des termes anglais dans leur parler, quitte à inventer des verbes nouveaux comme fayyalet (to file - déposer un document), dellét (to delete - supprimer) et kansalet (to cancel - annuler).
Joumana Barkoudah

Pour aller plus loin :

  • Arabités numériques, le Printemps du web arabe, Yves Gonzeles-Quijano, Paris : Sindbad-Actes Sud, 2012.
  • Arabizi, le printemps linguistique , Yves Gonzales-Quijano, Le Temps, 9 octobre 2012, Voir le site
  • Arabizi, Dalia al-Kury, Bande annonce du film sorti en 2012, Voir le site

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