Quelles différences fait-on entre arabe standard et dialecte ?
Dans toutes les langues du monde, des différences plus ou moins grandes existent entre la langue parlée et la langue écrite. C’est le cas du français. En arabe, cet écart est plus large parce que, sous la dénomination de « langue arabe », coexistent en réalité deux variétés de langue : une langue « standardisée » (c’est-à-dire, telle qu’elle est décrite dans les grammaires) et les dialectes arabes. En cela, la situation de l’arabe est par exemple proche – pour ne rester qu’en Europe – de celle de l’allemand ou de l’italien.
L’arabe standard, également appelé arabe littéral ou, en arabe, fosha, est la langue officielle des vingt-deux pays de la Ligue arabe. C’est la langue qui est utilisée à l’écrit (par exemple, dans les journaux, les livres, l’administration, etc.) et à l’oral dans des contextes formels et dans les chaînes d’information panarabes comme al-Jazeera. Contrairement à ce qu’un petit nombre d’arabophones peut parfois prétendre, l’arabe standard n’est la langue maternelle de personne ; même dans le monde arabe, les gens l’apprennent seulement lorsqu’ils vont à l’école et leur maîtrise, très inégale, dépend souvent du niveau d’étude. Si un non-arabophone décide d’apprendre l’arabe à l’université (par exemple en Europe), c’est l’arabe standard qu’il va généralement étudier.
La vraie langue maternelle de tous les arabophones est l'arabe dialectal. Les deux mots arabes les plus utilisés pour appeler cette variété sont darija au Maghreb et ammiyya au Moyen-Orient. Le dialecte est principalement utilisé à l’oral dans des contextes informels ; cependant, les us et coutumes linguistiques évoluant, il n’est pas rare aujourd’hui de l’entendre dans des contextes plus formels tels que les cours universitaires ou même, parfois, les discours politiques. Des logiques littéraires et des mouvements socio-politiques, enfin, poussent les dialectes aussi dans le domaine de l’écrit, même si cette utilisation est souvent restreinte à des contextes assez spécifiques (par exemple, les dialogues à l’intérieur d’un roman). Beaucoup plus répandue est l’utilisation écrite des dialectes sur Internet dans des contextes personnels et subjectifs, comme les billets sur les réseaux sociaux ou dans les blogs.
Ce double niveau d’utilisation linguistique est appelé diglossie. Deux éléments expliquent les différences entre ces deux variétés d’arabe. Tout d’abord l’aspect politique ou, plus précisément, celui du statut politique de chaque variété : l’arabe standard est la langue officielle, alors que les dialectes ne le sont pas. Ensuite, l’aspect socio-culturel, en commençant par le religieux : la variété standard est considérée comme la langue du Coran, et elle est celle de la culture savante, du pouvoir et de son administration ; les dialectes sont restreints à une utilisation privée et informelle.
Ces facteurs finissent par avoir des répercussions dans l’idéologie linguistique des gens, c’est-à-dire dans l’image qu’ils se font de ces deux variétés d’arabe. Les arabophones considèrent le plus souvent le dialecte comme une langue sans valeur, voire déviante, et attribuent toute vertu (prestige, savoir, pouvoir) à l’arabe standard. Les étudiants d’arabe qui se promènent dans le monde arabe – et qui parlent uniquement la variété standard, au moins au début – peuvent parfois entendre des arabophones leur dire : « tu parles arabe mieux que moi ! ». C’est simplement qu’ils parlent une langue différente, celle considérée comme plus prestigieuse.
Cette anecdote montre bien la dépréciation générale dont les dialectes font l’objet, alors que – contrairement à une autre idée reçue – ils ne constituent ni une déviation ni une corruption de l’arabe standard, mais ils existent depuis au moins aussi longtemps que celui-ci et sont tout aussi porteurs d’une riche culture, qui est la culture populaire.
Enfin, il est important de souligner que la réalité des usages est plus compliquée que ce que cette brève présentation pourrait laisser penser. En effet, les locuteurs alternent souvent l’utilisation de l’arabe standard et du dialecte à l’intérieur d’un même discours, voire dans la même phrase. Cette alternance finit ainsi par donner naissance à de nouvelles variétés mixtes d’arabe, intermédiaires entre le standard et le dialecte.
Francesco Binaghi
L’arabe standard, également appelé arabe littéral ou, en arabe, fosha, est la langue officielle des vingt-deux pays de la Ligue arabe. C’est la langue qui est utilisée à l’écrit (par exemple, dans les journaux, les livres, l’administration, etc.) et à l’oral dans des contextes formels et dans les chaînes d’information panarabes comme al-Jazeera. Contrairement à ce qu’un petit nombre d’arabophones peut parfois prétendre, l’arabe standard n’est la langue maternelle de personne ; même dans le monde arabe, les gens l’apprennent seulement lorsqu’ils vont à l’école et leur maîtrise, très inégale, dépend souvent du niveau d’étude. Si un non-arabophone décide d’apprendre l’arabe à l’université (par exemple en Europe), c’est l’arabe standard qu’il va généralement étudier.
La vraie langue maternelle de tous les arabophones est l'arabe dialectal. Les deux mots arabes les plus utilisés pour appeler cette variété sont darija au Maghreb et ammiyya au Moyen-Orient. Le dialecte est principalement utilisé à l’oral dans des contextes informels ; cependant, les us et coutumes linguistiques évoluant, il n’est pas rare aujourd’hui de l’entendre dans des contextes plus formels tels que les cours universitaires ou même, parfois, les discours politiques. Des logiques littéraires et des mouvements socio-politiques, enfin, poussent les dialectes aussi dans le domaine de l’écrit, même si cette utilisation est souvent restreinte à des contextes assez spécifiques (par exemple, les dialogues à l’intérieur d’un roman). Beaucoup plus répandue est l’utilisation écrite des dialectes sur Internet dans des contextes personnels et subjectifs, comme les billets sur les réseaux sociaux ou dans les blogs.
Ce double niveau d’utilisation linguistique est appelé diglossie. Deux éléments expliquent les différences entre ces deux variétés d’arabe. Tout d’abord l’aspect politique ou, plus précisément, celui du statut politique de chaque variété : l’arabe standard est la langue officielle, alors que les dialectes ne le sont pas. Ensuite, l’aspect socio-culturel, en commençant par le religieux : la variété standard est considérée comme la langue du Coran, et elle est celle de la culture savante, du pouvoir et de son administration ; les dialectes sont restreints à une utilisation privée et informelle.
Ces facteurs finissent par avoir des répercussions dans l’idéologie linguistique des gens, c’est-à-dire dans l’image qu’ils se font de ces deux variétés d’arabe. Les arabophones considèrent le plus souvent le dialecte comme une langue sans valeur, voire déviante, et attribuent toute vertu (prestige, savoir, pouvoir) à l’arabe standard. Les étudiants d’arabe qui se promènent dans le monde arabe – et qui parlent uniquement la variété standard, au moins au début – peuvent parfois entendre des arabophones leur dire : « tu parles arabe mieux que moi ! ». C’est simplement qu’ils parlent une langue différente, celle considérée comme plus prestigieuse.
Cette anecdote montre bien la dépréciation générale dont les dialectes font l’objet, alors que – contrairement à une autre idée reçue – ils ne constituent ni une déviation ni une corruption de l’arabe standard, mais ils existent depuis au moins aussi longtemps que celui-ci et sont tout aussi porteurs d’une riche culture, qui est la culture populaire.
Enfin, il est important de souligner que la réalité des usages est plus compliquée que ce que cette brève présentation pourrait laisser penser. En effet, les locuteurs alternent souvent l’utilisation de l’arabe standard et du dialecte à l’intérieur d’un même discours, voire dans la même phrase. Cette alternance finit ainsi par donner naissance à de nouvelles variétés mixtes d’arabe, intermédiaires entre le standard et le dialecte.
Francesco Binaghi
Pour aller plus loin :
- Arabic sociolinguistics, topics in diglossia, gender, identity, and politics, Reem Bassioune, Washington : Georgetown university press, 2009
- Citoyen, quelle langue parles-tu ? Je parle Algérien !, Omar Houache, Alger : éditions sédia, 2015
- La diglossie arabe revisitée. Quelques réflexions à propos de la situation en Tunisie, Fouad Laroussi, Insaniyat / إنسانيات, 2002, 17-18, p. 129-153
- Parler arabe : oui, mais lequel ? , Interview de Jérôme Lentin, Quartiers Libres, 64-65, mai 1996 (interview de Jérôme Lentin, enseignant à l’INALCO), Voir le site