Une langue sémitique consonantique #article

Que savons-nous des langues sémitiques ?

Tablette en argile écrite en akkadien, l’une des plus anciennes langues sémitiques connues, v. 2500 av. J.-C., Londres, British Museum, 15833. © Trustees of the British Museum (CC BY-NC-SA 4.0).
La langue arabe fait partie du groupe des langues sémitiques. Ce terme désigne des langues proches par leurs sonorités, leur lexique, et la manière dont les mots et les phrases sont composés.

Le terme « sémitique » a été inventé vers la fin du XIXe siècle par le savant allemand A. L. Schlözer, pour désigner ces langues qui ont une origine géographique et linguistique commune. Pour ce faire, il s’est inspiré d’un passage de la Bible, les chapitres 10 et 11 de la Genèse, où la plupart des peuples qui parlent une de ces langues sont qualifiés de « descendants de Sem », le fils ainé de Noé.

D’après le P. Dhorme, les langues sémitiques peuvent être reparties en trois grandes familles : la famille orientale, la famille nord-occidentale et la famille sud-occidentale. La famille orientale est celle de l’akkadien, parlé au pays d’Akkad, dont la capitale fut le centre de l’une des plus anciennes civilisations en Mésopotamie. La famille nord-occidentale regroupe le cananéen, la langue du pays de Canaan, mentionné dans la Bible, et le phénicien, dont les locuteurs auraient inventé l’alphabet. L’hébreu, qui est la continuation du cananéen, et l’araméen, parlé entre la Babylonie et les rivages du Golfe Persique, toujours utilisé de nos jours dans certaines communautés chrétiennes, entrent également dans cette catégorie. Enfin, la famille sud-occidentale englobe les parlers de l’Éthiopie et ceux de la péninsule Arabique, comme l’éthiopien et l’arabe. Cette classification a depuis été largement débattue ; les chercheurs ont proposé d’autres organisations spatiales, sans arriver pour l’instant à un consensus.

Sur la base des populations parlant ces langues, on peut donc dire que l’aire géographique ancienne des langues sémitiques se situe à la périphérie du désert Arabique. Elles sont parlées en Mésopotamie, en Syrie, en Palestine, en Arabie centrale et méridionale. En raison des migrations, dues notamment à la conquête musulmane, l’aire de répartition des langues sémitiques s’est étendue à certaines parties de l’Asie Mineure, à la Méditerranée occidentale, à l’Éthiopie, et ensuite jusqu’en Afghanistan et en Inde. Cependant, bien que le lieu d’émergence originel de ces langues ait été longuement associé à la région de la péninsule Arabique, on situe actuellement le berceau des langues sémitiques dans le Sahara. Elles font ainsi partie d’un ensemble de langues plus vaste, appelé aujourd’hui « afro-asiatique ».

L’apport historique et culturel des langues sémitiques est considérable : les civilisations les plus brillantes de l’histoire de l’humanité se sont exprimées à travers elles : les Égyptiens, les Assyriens, les Phéniciens, les Arabes... Les documents écrits les plus anciens ont traversé cinq millénaires, et l’on peut faire l’hypothèse que la langue-mère du sémitique a été parlée il y a plus de 8000 ans !

Du point de vue linguistique, les caractéristiques des langues sémitiques sont très nombreuses. La plus connue est appelée « trilittéralisme » des racines. Cela signifie que le squelette des mots ou des verbes est constitué par un groupe de trois consonnes, la racine trilittère. Par exemple, en arabe, la racine K-T-B permet de former les mots liés au livre et à l’écriture : kitab (livre) kataba (écrire), etc. Ce système permet de ranger les mots dans les dictionnaires, ce qui rend leur consultation parfois compliquée.

La racine trilittère est essentiellement constituée par des consonnes. Les voyelles, généralement au nombre de trois, longues ou brèves, permettent de d’indiquer des variations de sens. Lorsque le nom n’est formé que par les consonnes de la racine et des voyelles, on parle de formation « simple ». Par contre, la racine peut aussi être modifiée par l’ajout de préfixes (avant le mot), infixes (dans le mot) et suffixes (à la fin du mot) : c’est une formation « augmentée ».

Les langues sémitiques se distinguent également par l’usage de certaines consonnes, notamment les consonnes gutturales, formées dans la gorge, et qui donnent à l’arabe et à l’hébreu leur sonorité si particulière.
Chiara Diana

Pour aller plus loin :

  • La formation des mots dans les langues sémitiques, Philippe Cassuto, Pierre Larcher, Aix-en-Provence : Publications de l’Université de Provence, 2007
  • Langues et écritures sémitiques, P. Edouard Dhorme, Paris : Librairie Orientaliste Paul Geuthner, 1930
  • Introduction à l’étude des langues sémitiques, éléments de bibliographie, Henri Fleisch, Paris : Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien-Maisonneuve, 1947
  • Grammaire comparée des langues sémitiques. Éléments de phonétique, de morphologie et de syntaxe, Jean-Claude Haelewyck, Bruxelles : Éditions Safran, 2006
  • Les langues chamito-sémitiques (afro-asiatiques), Antoine Lonnet, Amina Mettouchi (dirs.), Revue de linguistique, 26, 1, 2005

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