Quels sont les liens entre religion musulmane et politique ?
Aux origines de l’islam, religion et politique étaient déjà étroitement liées. À la fois chef religieux, politique et militaire, le prophète Muhammad posa les bases d’un régime politique qui, à sa mort en 632, contrôlait la péninsule Arabique. Ceci donna naissance au califat musulman, dans lequel le calife détenait à la fois le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. L’expansion de l’islam allait alors de pair avec les conquêtes territoriales du califat. Mais les rivalités entre musulmans affaiblirent progressivement l’institution califale, sous le règne des Omeyyades (661-750) et des Abbassides (750-1258), si bien que dès le Xe siècle, elle n’avait plus qu’un rôle symbolique : son autorité temporelle lui avait été confisquée par les émirs et sultans ; son autorité spirituelle, bien que reconnue par beaucoup de sunnites, était rejetée par une partie des musulmans, notamment les chiites.
Malgré cette sécularisation du pouvoir, l’islam continua à intervenir dans la sphère politique, avec une approche légitimiste (la religion apporte son soutien au pouvoir) ou contestataire (la religion remet en cause la légitimité du pouvoir). Par exemple, l’instauration du califat ottoman en 1517 correspondait à une approche légitimiste : n’étant pas arabes, les Turcs ottomans voulaient asseoir leur autorité sur le monde arabe grâce à la religion. L’existence de schismes, sectes ou confréries au sein de l’islam relève quant à elle d’une approche contestataire : ces divisions se sont souvent construites à travers la dénonciation de la légitimité de l’autorité politique, qui usurpait le pouvoir devant revenir à un autre, ou qui était moralement corrompue.
L’islam politique évolua à partir de la fin du XIXe siècle en s’ancrant dans sa forme contestataire. Avec l’expansion coloniale européenne, des musulmans se retrouvaient sous la domination de non-musulmans. L’Empire ottoman, dernier héritier du système califal, tentait désespérément d’enrayer son déclin en entreprenant avec les tanzimat une modernisation inspirée du modèle occidental. Dans ce contexte se forma un courant intellectuel musulman s’opposant à l’occidentalisation et prônant une refondation de l’islam. Ceci inspira notamment les Frères musulmans, mouvement politico-religieux fondé en Égypte en 1928, promouvant l’union des musulmans.
La Première Guerre mondiale précipita la chute de l’Empire ottoman : ses dépouilles dans l’Orient arabe furent partagées par les Britanniques et les Français, tandis que le califat fut aboli par les Turcs. La frustration engendrée par cette situation alimenta dans le monde arabe une contestation virulente à la fois nationaliste et islamiste. Dans les années 1950-60, le nationalisme arabe s’affirma toutefois dans sa forme laïque et s’imposa sur la scène politique avec la prise de pouvoir des nationalistes en Égypte, Syrie, Irak, Algérie et Libye. La ferveur populaire suscitée par le nationalisme arabe occultait alors le développement de l’islamisme.
L’islamisme, cette doctrine politique qui cherche à faire de la religion musulmane le fondement de la société et du pouvoir, est donc resté latent pendant plusieurs décennies. Faisant fi de son opposition à leurs valeurs, les puissances occidentales et leurs alliés, les monarchies arabes conservatrices, le virent d’abord comme un rempart contre le nationalisme et le communisme. Le roi Faisal d’Arabie Saoudite proposait ainsi le panislamisme comme une alternative au panarabisme du président égyptien Nasser. La perte de crédibilité des régimes nationalistes une fois confrontés à l’exercice du pouvoir favorisa ensuite l’émergence des revendications islamistes. Ce fut d’abord dans un pays non arabe et à majorité chiite que ceci apparut clairement : lors de la Révolution islamique en Iran en 1979.
Dès lors, la contestation islamiste s’épanouit dans les failles des pays arabes. La prise d’otage de la Grande mosquée de La Mecque en 1979, l’islamisation du conflit israélo-arabe à partir des années 1980, la guerre civile algérienne de 1991 à 2002, le développement de l’organisation terroriste al-Qaïda dans les années 1990-2000, la proclamation de l’« État islamique » en Irak et Syrie en 2014 en sont quelques exemples parmi d’autres. Cet islamisme radical représente une menace pour les musulmans modérés et pose un dilemme aux puissances occidentales frappées régulièrement par le terrorisme : ne pas le combattre fait courir le risque de laisser l’islamisme s’étendre et s’organiser, mais l’exercice du pouvoir pourrait finir par le décrédibiliser ; le combattre permet de l’affaiblir ponctuellement, mais contribue à le renforcer idéologiquement si bien qu’il réapparait ensuite avec encore plus de ferveur.
Keyvan Piram
Malgré cette sécularisation du pouvoir, l’islam continua à intervenir dans la sphère politique, avec une approche légitimiste (la religion apporte son soutien au pouvoir) ou contestataire (la religion remet en cause la légitimité du pouvoir). Par exemple, l’instauration du califat ottoman en 1517 correspondait à une approche légitimiste : n’étant pas arabes, les Turcs ottomans voulaient asseoir leur autorité sur le monde arabe grâce à la religion. L’existence de schismes, sectes ou confréries au sein de l’islam relève quant à elle d’une approche contestataire : ces divisions se sont souvent construites à travers la dénonciation de la légitimité de l’autorité politique, qui usurpait le pouvoir devant revenir à un autre, ou qui était moralement corrompue.
L’islam politique évolua à partir de la fin du XIXe siècle en s’ancrant dans sa forme contestataire. Avec l’expansion coloniale européenne, des musulmans se retrouvaient sous la domination de non-musulmans. L’Empire ottoman, dernier héritier du système califal, tentait désespérément d’enrayer son déclin en entreprenant avec les tanzimat une modernisation inspirée du modèle occidental. Dans ce contexte se forma un courant intellectuel musulman s’opposant à l’occidentalisation et prônant une refondation de l’islam. Ceci inspira notamment les Frères musulmans, mouvement politico-religieux fondé en Égypte en 1928, promouvant l’union des musulmans.
La Première Guerre mondiale précipita la chute de l’Empire ottoman : ses dépouilles dans l’Orient arabe furent partagées par les Britanniques et les Français, tandis que le califat fut aboli par les Turcs. La frustration engendrée par cette situation alimenta dans le monde arabe une contestation virulente à la fois nationaliste et islamiste. Dans les années 1950-60, le nationalisme arabe s’affirma toutefois dans sa forme laïque et s’imposa sur la scène politique avec la prise de pouvoir des nationalistes en Égypte, Syrie, Irak, Algérie et Libye. La ferveur populaire suscitée par le nationalisme arabe occultait alors le développement de l’islamisme.
L’islamisme, cette doctrine politique qui cherche à faire de la religion musulmane le fondement de la société et du pouvoir, est donc resté latent pendant plusieurs décennies. Faisant fi de son opposition à leurs valeurs, les puissances occidentales et leurs alliés, les monarchies arabes conservatrices, le virent d’abord comme un rempart contre le nationalisme et le communisme. Le roi Faisal d’Arabie Saoudite proposait ainsi le panislamisme comme une alternative au panarabisme du président égyptien Nasser. La perte de crédibilité des régimes nationalistes une fois confrontés à l’exercice du pouvoir favorisa ensuite l’émergence des revendications islamistes. Ce fut d’abord dans un pays non arabe et à majorité chiite que ceci apparut clairement : lors de la Révolution islamique en Iran en 1979.
Dès lors, la contestation islamiste s’épanouit dans les failles des pays arabes. La prise d’otage de la Grande mosquée de La Mecque en 1979, l’islamisation du conflit israélo-arabe à partir des années 1980, la guerre civile algérienne de 1991 à 2002, le développement de l’organisation terroriste al-Qaïda dans les années 1990-2000, la proclamation de l’« État islamique » en Irak et Syrie en 2014 en sont quelques exemples parmi d’autres. Cet islamisme radical représente une menace pour les musulmans modérés et pose un dilemme aux puissances occidentales frappées régulièrement par le terrorisme : ne pas le combattre fait courir le risque de laisser l’islamisme s’étendre et s’organiser, mais l’exercice du pouvoir pourrait finir par le décrédibiliser ; le combattre permet de l’affaiblir ponctuellement, mais contribue à le renforcer idéologiquement si bien qu’il réapparait ensuite avec encore plus de ferveur.
Keyvan Piram
Pour aller plus loin :
- Les islamistes au défi du pouvoir, évolutions d’une idéologie, Samir Amghar, Paris : Michalon, 2012
- L’Islamisme en face, François Burgat , Paris : La Découverte, 2008
- Islam et politique, la modernité trahie, Burhan Ghalioun, Paris : La Découverte, 1997
- Géopolitique des islamismes, Anne-Clémentine Larroque, Paris : PUF, 2014
- L’Orient arabe, arabisme et islamisme de 1798 à 1945, Henry Laurens, Paris : Armand Colin, 2000
- Paix et guerre au Moyen-Orient, l'Orient arabe et le monde de 1945 à nos jours, Henry Laurens, Paris : Armand Colin, 1999
- L’Échec de l’islam politique, Olivier Roy, Paris : Seuil, 1992
- Du panarabisme à l’islamisme politique, Ghaleb Bencheikh, Institut du monde arabe, 2014, Voir le site