Qu’est-ce exactement que le Coran ?
Vendu dans toutes les librairies, en arabe ou en traduction, le Coran est généralement considéré comme le livre sacré des musulmans, prenant la suite de la Bible. Toutefois, le terme arabe Qoran, qui apparaît pas moins de soixante-dix fois dans le texte même, signifie plutôt « lire » ou « réciter », d’après les savants musulmans traditionnistes. Les chercheurs modernes ont parfois remis en question cette signification ; certains estiment que le mot est emprunté à la langue syriaque, où qeryana désigne la lecture faite pendant l’office religieux. Toutefois, cette hypothèse n’est pas acceptée par tous, car le mot s’appuie sur une ancienne racine arabe (Q-R-‘).
Quoiqu’il en soit, pour les musulmans, le Coran est d’abord une parole, celle des prophéties que Dieu inspira à Muhammad pendant plus de vingt ans, formulées dans une « langue arabe claire ». Cette parole est considérée comme « incréée », c’est-à-dire éternelle et intemporelle, puisqu’elle est de nature divine. Cette position dogmatique, maintenant couramment partagée par les musulmans, n’est toutefois pas née au même moment que le Coran. Elle s’est imposée à l’issue d'une confrontation idéologique entre des théologiens rationalistes, fervents partisans de la thèse du « Coran créé », et d’autres, plus attachés aux traditions liées à la vie du Prophète, et appelés pour cela traditionnistes.
Le caractère « incréé » du Coran implique l’acceptation d’une autre thèse, celle de son « inimitabilité », qui s’appuie sur plusieurs passages du texte, comme celui-ci : « Dis : ‘Si les hommes et les Djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s’ils s’aidaient mutuellement’ » (sourate 17, verset 88). Les recueils de traditions (hadiths) donnent une grande place au Coran ; dans celui d’al-Boukhari, un livre entier est consacré aux « mérites du Coran » et deux hadiths ont par exemple trait à la « supériorité du discours coranique sur les autres discours ».
Le Coran n’a été mis par écrit qu’après la mort du Prophète, selon un processus long. D’après les traditions, c’est le troisième successeur du Prophète, le calife Othman, qui aurait procédé à la recension du Coran, et fait supprimer les autres versions du texte qui circulaient alors. Cette entreprise, qui poursuivait un but politico-religieux, en dotant la communauté des croyants d’un livre unique, fut très mal perçue. Mais bien que ce récit de la « vulgate othmanienne » fasse autorité, certains documents historiques se font l’écho d'une mise par écrit qui se serait étalée tout au long du VIIe siècle. D’autres versions du texte auraient circulé jusqu’au Xe siècle.
Dans sa version actuelle, le Coran est divisé en 114 sourates de taille inégale, elles-mêmes subdivisées en versets. Les sourates ne sont pas organisées par ordre chronologique, mais plus ou moins selon leur taille. Dès les débuts de l’exégèse coranique, les traditionnistes ont tenté d’établir une chronologie du texte en distinguant les sourates « révélées » à La Mecque de celles « révélées » à Médine, après l’exil de Muhammad dans cette ville en 622. Cela a donné naissance à la littérature des « circonstances de la Révélation ». Bien qu’elle ait été affinée par la recherche moderne, la césure entre sourates mecquoises et sourates médinoises fait toujours autorité.
Toutes les sourates sauf une commencent par la même formule, la bismillah : « Au nom de Dieu, celui qui fait miséricorde, le miséricordieux ». Le texte embrasse ensuite plusieurs thématiques : des récits des Prophètes et des Messagers qui ont précédé Muhammad, des passages construisant le socle des croyances de la communauté musulmane (croyance en Dieu, en ses Anges, en ses Prophètes, au jour du Jugement dernier), ou encore des éléments relatifs aux obligations rituelles, comme le pèlerinage ou l’aumône. Le Coran n’est pas un livre d’histoire. Le nom de Muhammad y est très rare, et aucun des principaux compagnons du Prophète n’y est mentionné, hormis celui son fils adoptif Zayd. Il se fait toutefois l'écho de certains événements légèrement antérieurs à la période du Prophète (comme l’expédition d'Abraha, souverain du Yémen, contre La Mecque au VIe siècle), ou d’autres ayant impliqué directement Muhammad, notamment ses batailles.
Parole sacrée délivrée en arabe, le Coran est aussi l’un des monuments fondateurs de la langue et de l’identité arabes, célébré pour ses qualités littéraires que ne parvient à rendre aucune traduction.
Hassan Bouali
Quoiqu’il en soit, pour les musulmans, le Coran est d’abord une parole, celle des prophéties que Dieu inspira à Muhammad pendant plus de vingt ans, formulées dans une « langue arabe claire ». Cette parole est considérée comme « incréée », c’est-à-dire éternelle et intemporelle, puisqu’elle est de nature divine. Cette position dogmatique, maintenant couramment partagée par les musulmans, n’est toutefois pas née au même moment que le Coran. Elle s’est imposée à l’issue d'une confrontation idéologique entre des théologiens rationalistes, fervents partisans de la thèse du « Coran créé », et d’autres, plus attachés aux traditions liées à la vie du Prophète, et appelés pour cela traditionnistes.
Le caractère « incréé » du Coran implique l’acceptation d’une autre thèse, celle de son « inimitabilité », qui s’appuie sur plusieurs passages du texte, comme celui-ci : « Dis : ‘Si les hommes et les Djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s’ils s’aidaient mutuellement’ » (sourate 17, verset 88). Les recueils de traditions (hadiths) donnent une grande place au Coran ; dans celui d’al-Boukhari, un livre entier est consacré aux « mérites du Coran » et deux hadiths ont par exemple trait à la « supériorité du discours coranique sur les autres discours ».
Le Coran n’a été mis par écrit qu’après la mort du Prophète, selon un processus long. D’après les traditions, c’est le troisième successeur du Prophète, le calife Othman, qui aurait procédé à la recension du Coran, et fait supprimer les autres versions du texte qui circulaient alors. Cette entreprise, qui poursuivait un but politico-religieux, en dotant la communauté des croyants d’un livre unique, fut très mal perçue. Mais bien que ce récit de la « vulgate othmanienne » fasse autorité, certains documents historiques se font l’écho d'une mise par écrit qui se serait étalée tout au long du VIIe siècle. D’autres versions du texte auraient circulé jusqu’au Xe siècle.
Dans sa version actuelle, le Coran est divisé en 114 sourates de taille inégale, elles-mêmes subdivisées en versets. Les sourates ne sont pas organisées par ordre chronologique, mais plus ou moins selon leur taille. Dès les débuts de l’exégèse coranique, les traditionnistes ont tenté d’établir une chronologie du texte en distinguant les sourates « révélées » à La Mecque de celles « révélées » à Médine, après l’exil de Muhammad dans cette ville en 622. Cela a donné naissance à la littérature des « circonstances de la Révélation ». Bien qu’elle ait été affinée par la recherche moderne, la césure entre sourates mecquoises et sourates médinoises fait toujours autorité.
Toutes les sourates sauf une commencent par la même formule, la bismillah : « Au nom de Dieu, celui qui fait miséricorde, le miséricordieux ». Le texte embrasse ensuite plusieurs thématiques : des récits des Prophètes et des Messagers qui ont précédé Muhammad, des passages construisant le socle des croyances de la communauté musulmane (croyance en Dieu, en ses Anges, en ses Prophètes, au jour du Jugement dernier), ou encore des éléments relatifs aux obligations rituelles, comme le pèlerinage ou l’aumône. Le Coran n’est pas un livre d’histoire. Le nom de Muhammad y est très rare, et aucun des principaux compagnons du Prophète n’y est mentionné, hormis celui son fils adoptif Zayd. Il se fait toutefois l'écho de certains événements légèrement antérieurs à la période du Prophète (comme l’expédition d'Abraha, souverain du Yémen, contre La Mecque au VIe siècle), ou d’autres ayant impliqué directement Muhammad, notamment ses batailles.
Parole sacrée délivrée en arabe, le Coran est aussi l’un des monuments fondateurs de la langue et de l’identité arabes, célébré pour ses qualités littéraires que ne parvient à rendre aucune traduction.
Hassan Bouali
Pour aller plus loin :
- Le Coran, tr. D. Masson, Paris : Gallimard, 1967
- Dictionnaire du Coran, Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), Paris : Robert Laffont, 2007
- , Le Coran silencieux et le Coran parlant, sources scripturaires de l’islam, entre histoire et ferveur, Mohammed Ali Amir Moezzi, Paris : CNRS éditions, 2011
- Les traditions sur la constitution du mushaf de Uthmân, Viviane Comerro, Beyrouth : Orient-Institut, 2012
- Le Coran., nouvelles approches, Mehdi Azaiez (dir.), Paris : CNRS éditions, 2013
- Le Coran, François Déroche, Paris : PUF, 2008
- et al., Les origines du Coran, le Coran des origines, François Déroche , Paris : De Boccard, 2015
- Aux origines du Coran, questions d'hier, approches d'aujourd'hui, Alfred-Louis de Prémare, Paris : Téraèdre, 2004
- Histoire du Coran, texte et transmission , François Déroche, Cours du collège de France, Voir le site
- De l’écriture du Coran , Entretien avec Alfred-Louis de Prémare, Argos, 2006, 39, Voir le site
- Livres de parole : Torah, Bible, Coran , BNF , Expositions BNF, , Voir le site