La confusion entre musulman et arabe #article

Quel est le statut des non-musulmans en terre d’Islam?

Eglise al-Moallaqa, Le Caire, Ve-VIe siècle © Gelbart/IMA
Après la mise en place de pouvoirs musulmans dans le monde arabe, les personnes professant une autre religion disposent d’un statut juridique spécifique, celui de dhimmi.

Dans le Coran, ce mot apparaît dans la neuvième sourate (versets 8 et 10). Il est alors reproché aux « polythéistes » de ne pas respecter la « dhimma » contractée auprès des croyants. Il s’agit donc originellement d’un pacte.

C’est cependant sur un autre verset que se fonde le sens le plus courant du terme : « Combattez (...) parmi ceux qui ont reçu le Livre, ceux qui ne suivent pas la religion du Vrai, jusqu’à ce qu’ils s’acquittent de la capitation (jizya) en toute humilité. » (sourate 9, verset 29) Ceci, ainsi que les accords conclus par Muhammad avec juifs et chrétiens, a fondé l’attitude des Arabes au moment des conquêtes islamiques. Les territoires conquis sont alors demeurés majoritairement non-musulmans, la conversion n’étant pas obligatoire. Elle était même parfois découragée, car elle représentait une baisse des recettes fiscales.

Le statut de dhimmi concernait en premier lieu les gens du Livre (ahl al-kitab), c’est-à-dire les juifs et les chrétiens, mais, en pratique, il fut aussi étendu à d’autres confessions.

En échange de la garantie d’un certain nombre de droits (liberté de culte, droit de propriété notamment), les dhimmis devaient reconnaître la suprématie politique de l’islam et payer un impôt. À ces deux points fondamentaux s’ajoutent toute une série de dispositions définies dans les ouvrages juridiques, parmi lesquelles l’interdiction de monter à cheval ou de porter une arme (et donc d’accéder à des fonctions militaires), l’obligation de porter des marques vestimentaires distinctives, l’interdiction de construire de nouveaux édifices religieux, etc. Mais ces dispositions furent diversement appliquées en fonction des époques et des lieux, comme l’atteste le fait même qu’elles aient été régulièrement rappelées par des théologiens ou des docteurs de la loi rigoristes. Leur stricte application était en général liée à une situation de crise, et permettait de restaurer à peu de frais la légitimité vacillante de souverains affaiblis.

Actuellement, la notion de dhimmi a été abandonnée dans le droit de la plupart des États arabes, mais reste encore utilisée par certains, notamment ceux de la péninsule Arabique. Son sens a été considérablement allégé, mais l’appartenance religieuse reste un fondement important des rapports sociaux.
Fârès Gillon

Pour aller plus loin :

  • Qu’est-ce qu’un ‘dhimmi’ ?, Leila Amichou, L’histoire, mai 2000, 243
  • Être non musulman en terre d’islam, dhimmi d'hier, citoyen d'aujourd'hui ?, Julie Chapuis, Sébastien Boussois, Paris : éditions du Cygne, 2013
  • Chrétiens et Juifs dans l’Islam arabe et turc, Youssef Courbage, Philippe Fargues, Paris : Payot et rivages, 2005
  • Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam, Antoine Fattal, Beyrouth : Dar el-Machreq, 1995
  • Les dhimmis dans l’islam médiéval, Christophe Naudin, Histoire-pour-tous, 2010, Voir le site
  • Les dhimmî dans l’empire islamique médiéval, Tatiana Pignon, Les clés du Moyen-Orient, 2013, Voir le site
  • Juifs et chrétiens en pays d’islam, rendez-vous de l’histoire du monde arabe, 2016, Voir le site

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