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Qui sont les motazilites, parfois appelés les « rationalistes » de l’islam?

Discussion philosophique entre Socrate et ses disciples, Choix de sentences et de fins propos de al-Moubashir, Proche-Orient, XIIIe siècle, Istanbul, bibliothèque du palais de Topkapı © akg-images / De Agostini Picture Lib. / G. Dagli Orti
Le motazilisme est un mouvement religieux fondé au début du VIIIe siècle par Wasil ibn Ata. À cette époque, qui voit se mettre en place les principaux courants de l’islam, les débats théologiques sont nombreux, et influencent le pouvoir politique. Marqués par la philosophie antique, les motazilites sont souvent considérés comme rationalistes, car ils estiment que l’homme peut, en dehors de toute révélation divine, accéder à la connaissance.

Une doctrine basée sur cinq grands principes
Les motazilites fondent leurs croyances sur cinq principes :
1) L’affirmation de l’unité de Dieu, conçu comme une entité hors du temps et hors de l’espace. De ce fait, le Coran est pour eux un livre « créé », son essence n’étant pas divine, puisqu’il est apparu à un moment précis.
2) La justice divine, selon laquelle Dieu ne veut et ne fait que ce qui est bien. De ce principe découle l’idée que l’homme n’est pas prédestiné (car il peut faire le mal), mais dispose d’un libre-arbitre.
3) La promesse et la menace, c’est-à-dire le fait qu’au jour du jugement, Dieu récompensera les bons et punira ceux qui lui ont désobéi.
4) Le degré intermédiaire, qui postule que si un musulman commet un péché important, il ne doit ni être considéré comme un croyant, ni comme un mécréant, mais plutôt comme un pécheur devant se repentir pour redevenir croyant.
5) Ordonner le bien et blâmer le blâmable, en s’engageant dans l’action politique, voire en se rebellant contre l’autorité et l’État, si ses actes sont injustes.

Existe-t-il encore des motazilites ?
Le motazilisme a connu un apogée aux débuts du IXe siècle, sous les califes abbassides, avant d’être rejeté au profit de mouvements plus proches de la tradition. Malgré un bref renouveau au Xe siècle, le mouvement tombe par la suite dans l’oubli pour plusieurs siècles, mais il est remis au goût du jour au début du XXe siècle par des penseurs réformistes. C’est notamment le cas de Ahmad Amin, un intellectuel égyptien qui, en 1936, dans sa grande Histoire de la culture islamique, explique : « À mon avis, la mort du motazilisme a été le plus grand malheur qui a frappé les musulmans ; ils ont commis un crime envers eux-mêmes ». On voit de nos jours émerger des courants « néo-motazilites », en réaction aux doctrines rigoristes.
Antoine Le Bail

Pour aller plus loin :

  • Une lecture à rebours de l'histoire du Mu'tazilisme, Josef van Ess, Paris : Paul Geuthner, 1979
  • Defenders of reason in Islam, muʿtazilism from medieval school to modern symbol, Richard C. Martin and Mark R. Woodward with Dwi S. Atmaja, Oxford, Rockport : Oneworld Publications, 1997
  • Rationalisme et théologie dans le monde musulman médiéval, bref état des lieux, Mohammad Ali Amir Moezzi, Sabine Schmidtke, Revue de l’histoire des religions, 2009, 4, p. 613-638, Voir le site
  • Mutazilisme, 2016, Voir le site

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