Qu'est-ce que l'islam ? #article

Muhammad est-il le seul prophète de l’islam ?

Muhammad sur un dromadaire te Jésus sur un âne chevauchent de conserve, peinture tirée d’une Chronologie des peuples anciens d’al-Birouni, Tabriz (Iran), 1306-07, Edimbourg, University Library © akg-images / Pictures From History
« L’homme bon est celui qui croit en Dieu, au dernier Jour, aux anges, au Livre et aux prophètes »

Cet extrait du verset 177 de la deuxième sourate du Coran témoigne de l’importance que tiennent les prophètes dans l’islam. Croire en eux est un devoir du musulman. Le texte coranique souligne qu’il « n’existe pas de communauté où ne soit passé un avertisseur » (sourate 35, fin du verset 24). Muhammad n’est donc pas le seul prophète de l’islam, bien d’autres l’ont précédé : Abraham, Moïse, David, Salomon, Noé, Loth, Job, Zacharie, Joseph ou Jésus pour les plus notables. Leurs noms servent parfois de titres à des sourates du Coran.

Lors de son ascension céleste (miraj), Muhammad rencontre Idris et Noé, Livre du miraj, Hérat (Afghanistan), 1436, Paris, Bibliothèque Nationale de France. © BNF


Le texte sacré se réapproprie ces figures, changeant parfois des points importants de leur histoire telle qu’elle est racontée dans la Bible. L’exemple le plus significatif est celui de Jésus (Issa). Le Coran le présente comme le « prophète de Dieu » et affirme, à l’inverse de la tradition chrétienne et des Évangiles, qu’il n’a pas été crucifié (sourate 4, versets 156-158).

À côté de ces personnages bibliques, plusieurs prophètes arabes sont également mentionnés. Certains, nommément cités, sont difficiles à lier à la tradition judéo-chrétienne, comme Salih, Houd, et Shuayb. D’autres sont aussi mentionnés de manière allusive. Enfin, le Coran évoque le cas de Prophètes dont l’histoire n’a pas été racontée à Muhammad : « Nous avons inspiré les prophètes dont nous t’avons déjà raconté l’histoire et les prophètes dont nous ne t’avons pas raconté l’histoire. Dieu a réellement parlé à Moïse » (sourate 4, verset 164).

L’évocation de ces nombreuses figures prophétiques dans le Coran ne peut se comprendre sans une mise en relation avec le discours que ce même texte promeut au sujet de Muhammad. Présenté comme le « sceau des prophètes » dans la sourate 33 (verset 40), Muhammad est celui dont Jésus a annoncé la venue prochaine : « Jésus, fils de Marie, dit ‘Ô fils d’Israël ! Je suis, en vérité, le Prophète de Dieu envoyé vers vous pour confirmer ce qui, de la Torah, existait avant moi ; pour vous annoncer la bonne nouvelle d’un Prophète qui viendra après moi et dont le nom sera Ahmad' » (sourate 61, début du verset 6).

Les figures prophétiques forment donc une lignée, que clôt Muhammad. Elles participent également d’un jeu de miroir. De nombreux versets indiquent que Muhammad a été « inspiré » par Dieu comme tant de prophètes avant lui (sourate 4, versets 153-164, par exemple). Selon une étude récente, la mission de Muhammad suit d'un schéma prophétique déjà commun dans la Bible et dans les traditions gréco-romaines. Tout comme les prophètes du passé, Muhammad est porteur d’un avertissement. « Soumis » à Dieu (signification littérale de « musulman »), il est chargé d’annoncer la parole divine. Comme ses prédécesseurs, il tente de se soustraire à sa tâche avant de l’accepter, n’est pas pris au sérieux par ses contemporains, et se trouve dans des « situations conflictuelles ».

L’abondance de figures prophétiques dans le Coran, trouve un écho dans les hadiths, ces traditions liées aux faits et gestes de Muhammad. On en recenserait par moins de 124 000 sur ce thème ! Adam, que le Coran ne présente pourtant pas comme tel, y est désigné comme le premier des prophètes.

Adam adoré par les anges, peinture issu d’une copie des Séances des Amants de Hosein Gazorghani, Iran, v. 1575, Paris, Bibliothèque Nationale de France. © BNF


Une littérature spécifique s’est également développée sur ce thème, celle des Qisas al-anbiya, (« Histoires des prophètes »), parfois mises en images dans le monde turc et persan. Leurs auteurs développent des récits autour des figures mentionnées dans le Coran. Les exégètes du Coran n’ont pas été en reste dans ce domaine : ils ont par exemple mis en place tout un récit autour du « voyage nocturne » de Muhammad, relaté à la sourate 17. Le dernier des prophètes, en une nuit, se serait élevé sur le dos d’une jument à tête de femme, et aurait traversé les sept cieux, rencontrant tous ceux venus avant lui. Muhammad est toutefois placé au-dessus de la mêlée, puisqu’il franchit une limite jamais atteinte, même par Abraham, l’hôte du septième ciel, et se prosterne directement devant Dieu.

Le sacrifice d’Abraham, peinture de Riza Abbasi dans une Histoire du Coran ou Histoire des prophètes et des rois passés, Iran, v. 1600, Paris, Bibliothèque Nationale de France. © BNF


Les prophètes occupent enfin une place de choix dans l’œuvre des historiens musulmans. L’un des plus célèbres, al-Tabari, est par exemple l’auteur d’une Histoire des prophètes et des rois. Prétendant embrasser l’histoire du monde depuis la Création jusqu’à l’époque à laquelle vit l’auteur, le début du Xe siècle, cette œuvre reprend elle aussi l’histoire des différents prophètes mentionnés dans le Coran
Hassan Bouali

Pour aller plus loin :

  • Dictionnaire du Coran, Mohammad Ali Amir-Moezzi (dir.), Paris : Robert Laffont, 2007
  • Le Coran par lui-même, vocabulaire et argumentation du discours coranique autoréférentiel, Anne-Sylvie Boisliveau, Leiden : Brill, 2014
  • Biblical Prophets in the Qur‘ān and Muslim Literature, Roberto Tottoli, Richmond : Curzon Press, 2002

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