Sunnisme, chiisme et soufisme #article

Qu’est-ce que le sunnisme ?

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Aujourd’hui, la majorité des musulmans se reconnaissent dans l’appartenance au sunnisme. Ce terme dérive du mot arabe sunna, qui désigne de nos jours l’ensemble des hadiths, les traditions relatives aux faits et gestes de Muhammad. Les sunnites se considèrent donc comme ceux qui suivent la tradition du Prophète, la voie « orthodoxe » de l’islam.

La distinction entre le sunnisme et le chiisme (et d’autres courants minoritaires de l’islam) est d’ordre théologique et légal. Mais historiquement, elle apparaît en premier lieu à la suite d’un conflit d’ordre politique. En raison d’une conception différente et inconciliable de la personne chargée de guider la communauté des croyants musulmans après la mort du Prophète, deux camps s’opposent : les compagnons de Ali, genre et cousin du prophète (futurs chiites et kharijites), et le groupe qui se coalise autour de Moawiya, puissant gouverneur de la Syrie, issu de noblesse de La Mecque (futurs sunnites). Cette « grande discorde » (fitna) est à l’origine d’une violente guerre civile, remportée par le clan de Moawiya, qui met en place la première dynastie islamique, celle des Omeyyades (661-750).

La fitna ne suffit toutefois pas, à elle seule, à expliquer la naissance du sunnisme tel qu’on le connaît aujourd’hui. Si cette division demeure constitutive des identités sunnite et chiite, d’autres éléments, plus théologiques, construisent progressivement cette différence.

La notion de sunna elle-même n’est pas fixe dans l’histoire. Le terme est connu déjà chez les Arabes avant la naissance de l’islam : assez neutre, il définit une manière d’agir, qu’elle soit bonne ou mauvaise, attestée dans le passé et devenue une coutume (sunnat al-awwalin, « coutume des anciens »). À cette acception « neutre » de sunna fait écho une parole du prophète (hadith) admise chez les sunnites : « Quiconque introduit dans l'islam une bonne sunna, recevra sa propre récompense […]. ». Dans le Coran, le terme sunna est souvent lié à Dieu : la « coutume de Dieu » indique un type d’intervention divine constant et régulier au cours de l’histoire.

Au cours du premier siècle de l’islam, alors que se constitue progressivement la pensée légale musulmane, fondée sur les sources religieuses, la sunna n’est pas encore exclusivement celle du Prophète. À l’inverse des tous premiers califes, qui se disaient « vicaires de l’envoyé de Dieu sur terre », les califes de la dynastie Omeyyade, qui règnent à partir de 661, se proclament directement « vicaires de Dieu sur terre » ; ils revendiquent ainsi une autonomie vis-à-vis du modèle que constitue Muhammad. Les grandes compilations des dits et gestes du Prophète n’existent pas encore à cette époque : plusieurs manières de concevoir l’autorité en islam s’affrontent.

C’est probablement à partir du début du VIIIe siècle qu’a lieu le premier essai de focalisation sur la sunna du Prophète. Vers la fin du même siècle, le juriste al-Shafii donne à la sunna une place prépondérante dans le droit islamique : elle devient l’une des principales sources du droit à ses yeux, juste après le Coran. D’autres juristes suivent ce principe, aidés par l’écriture, au même moment, des grands recueils de hadiths. C’est à partir de ce moment qu’on peut considérer le mouvement sunnite comme constitué.

Les sunnites sont toujours largement majoritaires dans le monde : ils représentent environ 80% des musulmans. Plusieurs écoles juridiques, qui interprètent différemment la sunna ont émergé au fil du temps et sont toujours d’actualité. Mais tous les sunnites partagent des points communs, comme la formulation de la profession de foi.
Francesco Chiabotti

Pour aller plus loin :

  • Aux fondements de l’orthodoxie sunnite, Yadh Ben Achour, Paris : PUF, 2008
  • Études sur la tradition islamique, Ignác Goldziher, Paris : Adrien-Maisonneuve, 1952
  • Histoire de l’islam, fondements et doctrines, Sabrina Mervin, Paris : Flammarion, 2016
  • Le sunnisme, des origines à la constitution des écoles, Corentin Pabiot, Paris : maison d’Ennour, 2014
  • L’islam, Dominique Sourdel, Paris : PUF, 2010
  • L’islam sunnite contemporain, Edgar Weber, Turnhout : Brepols, 2001
  • Le sunnisme ou la force de la tradition , Anne-Marie Delcambre, Clio, 202 , Voir le site

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